Albane Godard - Fondation Good Planet : Biodiversité, redonnons au vivant sa juste place !

Ceci est une transcription du podcast “Dessine-moi un futur désirable !”
Pour écouter l’épisode, c’est par ICI.

Dans ce nouvel épisode de dessiner un futur désirable, je suis ravie d'accueillir Albane Godard, directrice de la Fondation Good Planet.  

Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, la Fondation Good Planet a été créée par Yann Arthus-Bertrand en 2005, avec une mission claire, placez l'écologie au cœur des consciences et susciter l'envie d'agir concrètement pour la Terre et ses amis.  

Vous allez le voir, Albane a un parcours étonnant, guidé par une curiosité sans limite et un besoin de se réinventer. On a évoqué ses débuts dans l'industrie nucléaire, puis son voyage à vélo à l'autre bout du monde, jusqu'à son poste actuel. Cette conversation, c'était aussi l'occasion d'aborder une thématique encore peu sous le feu des projecteurs, la biodiversité.  

Quelle est l'ampleur du problème ?  

Comment restaurer les écosystèmes ?  

C'est tout un tas de questions que nous nous sommes posées avec Albane, c'est parti !  

***

Marie  (M): Bonjour Albane ! 

Albane (A) : Bonjour Marie,  

(M) : Merci d'être avec moi aujourd'hui au micro de dessine-moi un futur désirable.  

(A) : C'est un plaisir, je suis hyper heureuse d'être là.  

(M) : Écoutez, ensemble, on va parler de plein de sujets passionnants. Albane, tu es donc directrice générale de la Fondation Good Planet. Aujourd'hui, on va un petit peu plus parler, donc du rôle d'une fondation pour la transition environnementale. Et aussi, on va parler d'un sujet qui me tient beaucoup à cœur parce qu'on n’en a pas encore parlé beaucoup, c'est le sujet de la biodiversité.  

Alors voilà le programme, je ne sais pas où ça nous emmènera parce que parfois on peut partir un peu plus loin, mais ce n’est pas grave. C'est aussi ça le jeu, alors je te propose de commencer par te présenter mais sans me parler donc de ton métier. 

(A) : Je vais commencer par dire que je suis une femme. Je suis une femme blanche, une féministe. Je dirais même que je suis une écoféministe. Je suis une végétarienne, je suis un peu indignée, je suis une cycliste, j'ai un peu de bouteille mais je crois que j'ai réussi à garder mon émerveillement. Je suis nomade.  

Ce que je pourrais dire d'autre que je suis une passionnée. Je suis passionnée par pas mal de choses. Je suis d'abord passionnée par la nature, je suis passionnée par la justice, je suis passionnée par la place qu'on prend, nous les hommes par rapport à la nature, à la place qu'on prend en tant qu'individu dans notre entourage, la place que la société prend et c'est pour ça que d'ailleurs, j'ai toujours cherché dans toutes mes activités à comprendre un petit peu et à travailler sur les activités qui étaient à fort impact sur l'environnement et sur la société, donc par exemple la mobilité, l'énergie, l'agriculture. Ça, c'est un peu mon champ de passion.  

Puis je crois que je suis passionnée aussi par la beauté du monde et la beauté de ses habitants. Partout, tout le temps. En fait, il y a une, il y a toujours, on peut toujours trouver des espaces d'émerveillement et je trouve ça assez incroyable.  

Qu’est ce que je dirais d'autre ? Je dirais que je suis une aventurière. Je suis très curieuse, j'aime bien découvrir, explorer, je suis toujours en mouvement, je j'aime bien me faire désarçonner. J'aime bien voyager, mais voyager une certaine manière, de manière très lente peut être, on pourra en reparler. J'aime bien essayer, j'aime bien me tromper enfin, je n’aime pas forcément me tromper mais en tout cas comme j'essaye beaucoup de choses, je me trompe souvent et je crois que j'aime beaucoup apprendre. 

Ce que je pourrais dire d'autre, je suis aussi une tisseuse, j'aime bien tisser des liens entre les idées, entre les gens, entre les espaces pour faire en sorte qu'il y ait des espaces de convergence qui se créent, plutôt de divergence.  

Et puis, je dirais que je suis en lutte. Je suis en lutte joyeuse, mais je suis en lutte. Parce que je ne suis pas d'accord avec tout ce qui se passe aujourd'hui dans le monde.  

(M) : Merci Albane ! Quelle présentation ! C'est super riche ce que tu me dis. Parmi tous ces adjectifs que tu m'as cités, lesquels te suivent depuis toute petite ? 

(A) : La bonne question.  

Je pense que la partie “en mouvement”, que moi je relis pas mal à l'aventure. La curiosité, ça, je l'ai depuis toute petite, je dirais. Je pense que la partie indignation aussi. Je crois que c'est quelque chose que je vois même dans mes années de collège ou de lycée. Et je pense que aussi petite en fait il y avait beaucoup de choses qui m'intriguaient et me gênaient aux entournures et qui pouvaient me mettre en colère, mais il y avait ce sentiment que je pouvais percevoir ou définir comme de l'injustice qui était assez profond en moi. 

(M) : Et sur quel sujet, par exemple ? 

(A) : Oh, ça pouvait être très divers. Je sais que la réflexion féminine, par exemple, elle est là chez moi depuis très longtemps. Je pense que c'est quelque chose qui m'a construit depuis très longtemps. La réflexion féministe, ça, je me rappelle pour le coup, de coups de gueule que j'ai eu au collège ou au lycée, pour plein de raisons liées à mon histoire personnelle.  

Et je pense aussi le fait que j'ai beaucoup déménagé dans ma vie et le fait d'avoir été dans des environnements très différents. Je pense que ça crée quelque chose aussi de l'ordre du caméléon, d'essayer à la fois de comprendre comment fonctionne un écosystème et de s'adapter à cet écosystème. Je pense que ça m'a beaucoup construite, et je pense que c'est un quelque chose de vraiment fondamental dans ce qui fait ce que je suis aujourd'hui.  

Donc je pense que par exemple, ma réflexion autour de la nature, ma réflexion autour des hommes, elle est beaucoup liée à cette nécessité que j'ai eue enfant de très vite m'adapter pour pouvoir avoir une vie sociale, pour pouvoir créer des amitiés à des environnements qui changeaient tous les 2 ou 3 ans. Et je pense que oui, je dirais que c'est peut-être la racine de beaucoup de choses. 

(M) : C'est donc une de tes forces aujourd'hui j'imagine dans les actions quotidiennes. Et est-ce que tu peux nous parler maintenant, un peu de ton parcours ? Comment t'es passé donc de cette adolescente aventurière et aussi indignée à aujourd'hui la directrice générale de la Fondation Good Planet ? 

(A) : En fait, le fil rouge de mon parcours, c'est toujours le même. Quand j'ai passé mon bac, j'ai fait une classe préparatoire et après je suis rentré dans une école d'ingénieurs et je pense que probablement même un petit peu avant ça, mais c'est très clair à ce moment-là. Très vite, je me suis dit, en fait, j'ai envie de comprendre les impacts de l'homme sur les autres hommes et sur ce qui l'entoure, sur la nature, dans son sens large sachant que je nous inclus dans la nature... 

(M) : Tu observais déjà des impacts négatifs ? 

(A) : Exactement. Je pense que par contre, je vois très bien quand je suis rentrée en école. Ça a commencé à se conscientiser et à devenir de plus en plus fort dans ma réflexion. Et donc ce que je me suis dit très vite, “OK, j'ai envie de travailler sur justement tous ces espaces ou toutes ces zones sur lequel l'homme a un impact très important, à la fois un impact environnemental mais aussi un impact social”.  

Et puis autre chose aussi, quand je suis arrivée en école, c'est que j'ai fait une classe préparatoire. Je suis quelqu'un de très curieux qui a toujours été sur beaucoup de sujets à la fois. Et c'est sûr qu'en classe préparatoire, j'ai dû me concentrer sur des maths, de la physique, des sciences de l'ingénieur. Je ne vais pas te mentir, je me suis un peu ennuyée. 

(M) : Peut-être un peu frustrée ? 

(A) : J’étais un peu frustrée ! Et je me suis dit, “OK, maintenant, je vais travailler, hors de question que je me coupe des espaces de réflexion”. Je vais essayer d'à chaque fois de travailler sur ce qui me passionne et pas forcément toujours sur le sujet. 

Et donc je fais une école d'ingénieur dans laquelle je me spécialise dans une option qui est assez particulière, qui est option nucléaire au départ, quand je suis rentré dans cette école, c'était pas du tout ça que je voulais faire.  

Je voulais travailler dans l'option, y avait une option sur l'environnement, je me disais, c'est parfait pour moi ! Et puis quand j'ai écouté les présentations des différentes options par les responsables d'options, la présentation sur l'option environnementale était un peu molle... 

(M) : Et on est en quelle année ?  

(A) : On était en 2004. Donc c'est pas du tout dans l'état aujourd'hui, même s'il y avait déjà beaucoup de choses qui se faisaient.  

Et puis j'ai cette présentation. Je vais à toutes les présentations d'options, y en avait une dizaine et puis j'ai cette présentation sur l'option nucléaire où j'avais beaucoup d'a priori sur ce secteur-là, il y a beaucoup de choses sur lesquelles je n'étais pas d'accord et en même temps, la présentation de cette option est passionnante !

Alors je pense que c'est dû aux responsables d'options. Souvent, c'est dû aux hommes qui dirigent des espaces. Mais vraiment, ça me passionne et en même temps, je me dis, “mais là en fait, je suis dans le cœur du problème.” Il y a plein de sujets sur lesquels, par exemple, les déchets, je ne comprends pas comment ça fonctionne, je suis pas du tout d'accord avec les déchets provoqués par cette industrie en même temps, si je ne peux pas comprendre, je ne peux pas avoir une finesse d'analyse de ce secteur qui est compliqué parce que techniquement c'est compliqué et qui nous permet aujourd'hui en France de produire une très grande partie de notre électricité. Je n'arriverai jamais à m'approprier le sujet et finalement essayer de le transformer, donc j'ai vraiment une logique à ce moment-là. Comment je rentre à l'intérieur pour essayer de transformer cet espace et ce secteur ?

Donc je fais mon école. Ensuite, j'ai décidé, vraiment, dans la lignée de ce que je t'ai dit tout à l'heure sur la classe préparatoire en école d'ingénieurs, on doit faire un stage de fin d'études qui doit durer 6 mois et je n'avais pas du tout envie de faire un stage dans un dans la technique. Normalement, on doit faire un stage qui correspond à la majorité de notre enseignement qui est principalement technique.  

(M) : Donc là, ça voulait dire travailler dans une centrale par exemple ?  

(A) : Ça pouvait être travailler dans une centrale, ça pouvait travailler dans une ingénierie, dans un centre de recherche. Ça va être un petit peu l'usage classique.  

Et moi, j'ai travaillé dans un institut qui est l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire - L'IRSN, qui est très lié à mon secteur. Mais par contre, je ne voulais pas travailler dans une équipe d'ingénieurs et j'ai trouvé une équipe qui m'a très vite passionné et dont le responsable de cette équipe m'a fait confiance: de sociologues, de spécialistes des sciences humaines qui travaillaient sur le facteur humain dans ce secteur.

Et moi, je me suis dit, mais là, c'est incroyable. Moi, je n'ai pas appris ça dans mes études. Finalement, il y a plein de choses qui sont dues aux hommes avant tout ! Il faut que je comprenne et donc je pense que ça a orienté beaucoup de choses dans ma carrière ce petit travail initial de 6 mois qui tout de suite m'a ouvert les portes sur tous les possibles dans mon secteur et non pas juste la possibilité technique.  

Après ça, je suis partie travailler pendant 3 ans, plutôt dans le secteur diplomatique, mais toujours dans cette même lignée d'essayer de comprendre aussi toutes les ramifications, toutes les complexités de ce secteur.  

Et donc je suis allé travailler avec une agence particulière de l'ONU qui s'appelle l'Agence internationale de l'énergie atomique - l'AIEA, qui travaille, qui est l'organe onusien pour tout ce qui est lié au nucléaire à la fois l'énergie nucléaire, les enjeux liés plutôt à aux enjeux militaires. Et puis, ce qu'on appelle les applications militaires dans tous les enjeux, par exemple autour de la santé liée au développement par des techniques nucléaires.  

Ensuite, je suis rentrée en France et puis j'ai décidé de revenir plutôt dans le secteur privé et de revenir un peu à la base, plutôt technique de mon métier, de mon secteur et travailler pour une grande ingénierie qui s'appelle Assystem.

C'était un peu avant Fukushima, il y avait une très grande croissance des demandes et notamment des pays émergents. Sur l'énergie nucléaire et il y avait beaucoup de pays émergents qui commençaient à beaucoup se développer, et qui disaient: aujourd'hui, ce qui me freine dans mon développement, c'est l'accès à l'énergie.  

Si je me mets sur le charbon, je suis très dépendante de certains producteurs, et puis ça pollue beaucoup.  

Si je me mets sur le pétrole, alors je suis très dépendante des prix et aussi des producteurs, et qui commençaient pareil pour le gaz qui commençait à se dire finalement, l'énergie nucléaire ça peut être une bonne option pour moi pour permettre mon développement.  

Ça a un peu évolué après Fukushima, mais c'était une période extrêmement intéressante et particulière de ce secteur. Donc je suis rentrée dans cette ingénierie pour travailler sur le développement de cette industrie et aussi à la fois sur un mode de développement.  

Et puis assez rapidement, je me suis réorientée vers la gestion de grands projets, notamment un grand projet qui est toujours en cours, qui s'appelle le projet Cigéo, qui est le projet d'enfouissement des déchets radioactifs à vie longue. Donc les déchets très compliqués, ce qui est un projet vraiment colossal et extrêmement intéressant, qui a été lancé par la France.  

J'ai énormément appris dans le cadre de cette équipe. J'ai eu la chance de travailler avec des très bons chefs de projet qui m'ont appris beaucoup de choses dont je me suis beaucoup servi dans mes expériences suivantes.  

Donc ça on va dire, c'est ma grande expérience dans le domaine de l'énergie et à différentes échelles, des échelles internationales, des échelles locales, plutôt sur des métiers techniques, de gestion de projets ou des réflexions plutôt thématique ou de facteurs humains.  

(M) :  Ce que je trouve passionnant dans ce que tu racontes, c'est qu'en fait tu as cité que quand t'étais au sein de ton école d'ingénieur, t'avais besoin de comprendre pour agir et en fait on sent que ça t'a guidé pour explorer absolument toutes les facettes du nucléaire, que ce soit comme tu le disais sur des sujets techniques et des sujets plutôt organisationnels, des sujets internationaux et des sujets à l'échelle nationale et c'est absolument passionnant !  

(A) : Merci ! Du coup ça fait à peu près 9 ans que je travaille dans ce secteur et je me dis là j'ai envie un peu de changer d'échelle d'action. C'est un secteur qui est sur une échelle d'action, à la fois une temporalité très longue et puis des échelles souvent nationales ou internationales.  

Et il y a eu un moment où j'ai eu envie de changer un peu d'échelle et ça fait un petit moment que j'avais une réflexion sur la ville, sur le développement urbain et je me suis dit que j’avais besoin de mûrir un peu ça. Par ailleurs, j'avais envie de déguiser un petit peu ma curiosité, qui était toujours très présente et que j'arrivais plus à nourrir à ce moment-là.  

Et j'ai décidé de partir voyager pendant un temps qui était indéterminé à cette époque, je n'avais pas fixé de temporalité. Partir voyager en mode bas carbone aussi, ça fait depuis l'école que j'avais une réflexion sur l'environnement qui grandissait, grandissait, grandissait.

Et pendant toutes ces années-là elle s'est énormément étoffée et je me suis dit: je vais confronter mes idéaux à ce que je fais dans la réalité et j'ai décidé de partir voyager au long cours sans prendre l'avion. 

(M) : En fait, en gros tu t'es dit “je quitte mon job dans le nucléaire”. La vie m'intéresse, le développement des villes m'intéresse, je pars explorer ce qu'il existe ailleurs ? 

(A) : Exactement. En fait, c'était une réflexion qui n’était encore pas du tout mûre. C'était un début de réflexion. Ma réflexion environnementale commence à être de plus en plus mûre. Ma réflexion sur les villes pas tout à fait.  

Et puis j'avais besoin de changer un peu d'air, de voir un petit peu d'autres choses. Et donc je me suis dit, finalement pourquoi pas partir voyager, c'est quelque chose que j'avais pas du tout en tête au départ, ça a été une décision assez rapide.  

Et donc oui, je quitte mon job et je pars voyager pendant un an et demi de voyage, alors d'abord en train et en stop à travers l'Europe, la Russie, la Mongolie et la Chine.  

Et ensuite je décide d'acheter un vélo pour continuer à vélo. Et donc je traverse une partie de l'Asie du Sud-Est, ensuite à vélo pendant un an, donc en passant par le Vietnam, le Cambodge, le Laos, la Thaïlande, la Birmanie, re la Thaïlande, la Malaisie et enfin Singapour.  

Donc, ça représente à peu près 8000 km sur un an de voyage.  

Évidemment pendant ce voyage, c'est une découverte complètement incroyable, ça me permet de mûrir beaucoup de réflexions à la fois personnelles, par exemple, c'est à ce moment-là que je deviens végétarienne.  

(M) : Ce qui a peut-être accéléré ce processus ? 

(A) : Quand on voyage, en fait, on est confronté à tellement d'altérité. Et puis on se retrouve sur un voyage au long cours. On sort en fait, il y a le moment où on est en vacances et puis à un moment, au bout de je dirais 2 ou 3 mois où on passe du voyage et l'aventure et quand on passe dans cet État, il se passe plein de choses en termes de réflexion personnelle, en termes d'évolution.  

On se rend compte aussi à quel point on est capable de faire énormément de choses. On se rend compte à quel point on a une liberté, une autonomie, une capacité à faire, qui est extraordinaire. Et ça, du coup, ça permet de casser pas mal de barrières qu'on se met soi-même. 

(M) : Et tu étais seul pendant ce voyage ? 

(A) : Non, on était deux.  

Je pense que ça permet de faire mûrir beaucoup de réflexion extrêmement vite. Il y avait, par exemple, donc la réflexion sur l'alimentation que j'avais depuis un petit moment. 

Je suis toujours quelqu'un qui a beaucoup aimé voyager. Et puis quand je suis sortie d'école, j'ai fait comme tout le monde, j'ai voyagé en prenant l'avion comme tout occidental qui commençait à avoir un tout petit peu de moyens après ses études. Je suis partie très vite voyager en Inde. En fait, j’avais des copines qui étaient passionnées pas l’Asie centrale, donc je suis partie avec elles !  

(M) : C'était ton côté aventurière qui continue de s'exprimer ! 

(A) : Exactement, et puis Ouzbékistan, Kirghizistan, mais toujours un petit peu de la manière on va dire classique en prenant un avion, en restant 2 ou 3 semaines, en ayant une petite to-do list de tout ce qu'il fallait que je fasse.  

Et puis voilà, et ça faisait quelques années que je commençais à être un peu gênée par ma réflexion environnementale, mais pas seulement par ce mode de consommation du voyage, de notre temps libre, et puis des autres pays et des autres cultures. Et j'avais commencé déjà à me dire, il faut que j'arrête de prendre l'avion parce que d'un point de vue environnemental, c'est vraiment nul. 

Et puis, je me retrouve à passer d'une géographie particulière à une autre géographie, complètement différente, sans avoir vu les transitions. J'avais commencé à prendre uniquement le train, à voyager d'une manière un peu différente. Et là c'est sûr qu'avec ce voyage qui finalement est un voyage long en temporalité, un an et demi, c'est une grande période mais aussi extrêmement lent.  

J'ai découvert vraiment une autre manière de voyager qui m'a complètement transformée et a été une très grande révélation dans ma vie personnelle.  

Je me suis rendue compte qu'en fait, j'adorais voyager lentement, que j'y prenais un plaisir incroyable parce que comprendre toutes les petites transitions, de voir les évolutions de climat, de personnes, de langue, de culture, de l'architecture, de paysages. Je trouve que très vite je me suis rendue compte qu'il y avait beaucoup plus d'intérêt, d'aventure, de surprise dans les temps de voyage.  

Aussi bien le chemin que à la destination, donc très rapidement aussi, je me suis mise à arrêter les listes, ne pas avoir forcément de lieu objectif mais de juste prendre ce qui venait sur le chemin.  

Et je me suis retrouvée à faire des rencontres et avoir des expériences complètement dingues que je n'aurais jamais eues je pense, si j'avais gardé mon ancienne manière de voyager. 

(M) : Ça a été un changement de mindset super fort pour ta façon de visualiser le voyage, peut être aussi notre rapport au vivant, au sens large et j'aime bien ce que tu disais à propos des transitions de paysage.  

C'est vrai que l'avion nous transporte dans l'endroit à un autre, sans voir les transitions et en tout cas ce que tu me dis, ça me parle. Par exemple, personnellement j’aime bien des voyages en train de nuit. Quand tu te réveilles le matin et que tu vois petit à petit les montagnes qui commencent à apparaître, tu te dis, “Ah oui, effectivement, on a un paysage qui évolue”. Et quand on est sur des modes de transports rapides on l'oublie complètement.  

Et ça rejoint aussi la notion d'état d'émerveillement dont tu parlais tout à l'heure, que je trouve aussi fondamentale dans ces pratiques de voyage. J'imagine qu'il y a encore plein d'autres sujets passionnants ! 

Est-ce que tu peux me parler donc de la transition entre ton voyage et tes activités ? Aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe quand tu rentres, quelle décision assez forte tu prends puisque tu me disais que ce voyage t'avait beaucoup changé, qu'est-ce qui se passe ?  

(A) : En fait, je pense qu'au lieu de me changer, il a plutôt mis en exergue des choses qui étaient chez moi et qui ont pris plus de place. Donc je reviens aussi à la question que tu me posais sur les villes, c'est aussi un voyage que j'ai utilisé finalement comme un voyage d'études, évidemment personnel, mais aussi sur justement cette réflexion urbaine que je commençais à avoir. Et c'est sûr que quand on voyage doucement comme ça, tu parlais de transition, c'est exactement ça.  

Ça m'a permis aussi de vraiment comprendre le développement des villes, notamment en Asie, qui est assez incroyable et d'une manière très fine parce que notamment quand j'ai commencé à voyager à vélo, j'ai évidemment visité les centres-villes, les intérieurs qu'on voit de manière assez traditionnelle quand on est touriste, mais aussi les pourtours et les transitions entre la ville et la campagne. Les extensions parfois complètement dingues. Quand on sort d'Hanoï à vélo, c'est presque une journée pour sortir d'Hanoï à vélo tellement c’est étendu, c'est presque comme une immense pieuvre, donc je pense que ça m'a permis de comprendre beaucoup de choses.  

Et quand je suis rentrée en France, c'était une évidence pour moi que je voulais travailler sur ces logiques de développement urbain sur aussi éviter les développements urbains qui soient justement néfastes un petit peu comme la même logique que j'avais eue sur la réflexion.  

Et du coup, quand on voyage aussi, comme je te disais, ça nous donne une grande liberté et donc je suis rentrée en France et je me suis dit, mais pas de problème, j'ai un an et demi de trou dans mon CV. J'ai toujours travaillé dans le nucléaire. Je vais tout d'un coup chercher du travail dans l'urbain, dans le développement urbain, et j'avais même une idée plus précise, je voulais travailler dans l'expérimentation urbaine, donc vraiment dans la fabrique de la ville. 

(M) : Donc plutôt dans le monde de l'innovation ? 

(A) : Exactement, dans la transition entre l'urbain et l'innovation. Et puis j'ai eu une chance, je ne sais pas si c'est une chance incroyable ou juste que quand on s'enlève des barrières et finalement on se rend compte que beaucoup de choses qui sont possibles.  

En quelques mois, j'ai trouvé un travail et j'ai récupéré la direction d'une équipe qui s'appelle l’Urban Lab et qui fait exactement ça : de l'expérimentation urbaine et c'est une équipe que j'ai que j'ai dirigée pendant 3 ans et demi, incroyable qui en fait, dont le métier était de travailler à la fois avec des entrepreneurs, les grands acteurs de la ville, la collectivité mais aussi les acteurs de la mobilité, les acteurs des réseaux, etc.  

Et puis les citoyens, les habitants ou ceux qui passent par la ville pour comprendre comment est-ce que en essayant directement dans le tissu d’urbain : des innovations, des prototypes pour voir finalement ce qui marche le mieux et ce qui marche le mieux, ce n'est pas forcément ce qui est le plus efficace, mais c'est ce que les citoyens s'approprient à leur manière, ont envie de garder ce qu'ils estiment avoir un impact positif sur leur quotidien.  

Et puis, ce qui rend la ville plus agréable, la ville plus efficace d'un point de vue environnemental, d'un point de vue social, d'un point de vue enfin très d'un, de beaucoup de points de vue.  

Donc ça a été vraiment une, une expérience extrêmement riche pour moi parce qu'évidemment, j'ai appris un nouveau métier dans un nouveau secteur avec une équipe qui était extraordinaire.  

Et puis ça a permis de beaucoup nourrir ma réflexion sur cet enjeu urbain. Au bout de au bout de 3 ans et demi, ça a toujours un mon cerveau qui continue à avancer et à se poser plein de questions. Et je commence à me dire il y a quand même un enjeu entre sur la ville qui est aussi le lien justement, encore une fois, à la transition, une ville, elle ne fonctionne que si elle est alimentée, notamment alimentée en part d'un point de vue alimentaire, sur les enjeux agricoles et alimentaires et.  

Et finalement, je me disais, il y a quand même aussi beaucoup de stéréotypes et de tensions qui se créent entre des territoires urbains et des territoires ruraux. Il y a de plus en plus de différences, que ce soit d'un point de vue politique, d'un point de vue social, d'un point de vue de qualité de vie entre les territoires ruraux et les territoires urbains. Et je me suis ça m'a interrogé, ça m'a beaucoup interrogé.  

Et il y avait un autre point qui m'interrogeait beaucoup, c'était, comment est-ce que on a une réflexion sur l'implication de tout un chacun dans le développement de son espace. Donc en fait c'est des réflexions de démocratie participative. Comment est-ce qu'on prend la vie du citoyen dans le développement de ce qui l'entoure. Et j'avais fait beaucoup de choses au sein de l'Urbain Lab sur cette réflexion là, mais j'avais envie de me nourrir un peu plus sur cet enjeu de démocratie participative.  

Et donc j'ai décidé de me mettre à mon compte pendant 2 ans pour réfléchir à la fois sur ces enjeux alimentaires et agricoles et sur cette réflexion autour de la démocratie participative.  

Donc j'ai eu de la chance de rejoindre l'équipe de la Commission Nationale du débat public qui a organisé et déployé le débat sur la politique agricole française pendant cette période-là. Et puis aussi c'est la période aussi où le COVID est arrivé et où donc du coup il y a beaucoup de choses qui ont été perturbées. Le meilleur moment pour se mettre à son compte !  

Mais en fait finalement, c’est un très bon timing parce que ça m'a permis d'accompagner une communauté de restaurateurs engagé qui s'appelle la “Communauté quotable”, qui a fait des très grands projets dans le cadre du COVID, notamment pour l'alimentation des soignants pendant le premier confinement et puis l'alimentation des étudiants en grande précarité pendant le 2e confinement.  

Donc, voilà, ça m'a permis de finalement m'ouvrir sur un espace auquel j'aurais pas du tout forcément pensé à ce moment-là.  

Et puis j'arrive enfin à la Fondation Good Planet. Et donc au bout de 2 ans, j'ai, je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose que j'aimais bien qui me manquait dans un travail un peu plus solitaire qui était le management et le fait de gérer une équipe et un projet qui me dépasse et donc j'ai eu la chance d'être sélectionnée pour prendre la direction de la Fondation Good Planet.

Donc je suis arrivée il y a un peu plus d'un an à la tête de cette fondation qui est une fondation là aussi assez exceptionnelle et qui fait un travail incroyable. Mais je pense que du coup on va reparler.  

(M) : Oui ! Je pense qu'on va enchaîner sur ce sujet puisque du coup, tu commences à nous en parler. Sur le sujet de donc du rôle des fondations. En fait, je m'interroge pas mal sur ce concrètement, qu'est-ce que c'est ce type d'acteurs ? Parce que j'ai du mal à comprendre la différence avec un acteur plus associatif, qu'est-ce qui fait sa particularité ? C'est quoi le scope d'action, en fait d'une fondation, j'imagine qu'il y a sur plein de sujets ce que c'est forcément tourné vers la transition environnementale, comme la fondation Good Planet ? 

Est-ce que tu peux nous faire un petit panorama de quoi on parle quand on parle de fondation ?  

(A) : Alors je vais juste expliquer en 2 mots ce que fait la Fondation Good Planet. 

Donc la mission de la Fondation Good Planet, c'est d'agir pour la terre et ses habitants et de susciter l'envie d'agir.  

Donc on a 2 grands métiers. Le premier, c'est la sensibilisation pour susciter l'envie d'agir et la manière dont on sensibilise, c'est autour d'un triptyque, le premier, c'est comprendre, donner les clés de compréhension des enjeux des grandes masses, de comment est-ce qu'on peut faire différemment. C'est fondamental, évidemment, pour pouvoir se mettre en se mettre en mouvement.  

Le 2e, c'est imaginer parce que on pense que comprendre ces biens, mais si on veut pouvoir se mettre en mouvement et se projeter dans une autre société, il faut pouvoir l'imaginer cette autre société, imaginer les autres possibles. Et puis enfin c'est agir, donc comment est-ce qu'on accompagne, comment est-ce qu'on accompagne le mouvement. Donc ça, c'est ce qu'on fait en sensibilisation.  

Sur le 2e volet qui est, comment est-ce qu'on agit pour la terre et ses habitants, on accompagne en fait beaucoup d'acteurs, notamment des acteurs associatifs, des acteurs de l'ESS mais aussi les entreprises dans leur transition, donc avec les acteurs de associatifs et de l'ESS, on accompagne une trentaine de projets dans le monde entier sur lesquels on trouve qu'il y a énormément d'impacts positifs, de forts bénéfices, à la fois sur le climat, sur la biodiversité, sur les ressources et sur les enjeux sociétaux.  

On accompagne aussi beaucoup les entreprises parce qu'on pense qu'il va falloir aider les entreprises à enclencher leur transition, donc toutes celles qui se mettent dans une dynamique positive de transition. Et on essaie de les accompagner à notre échelle.  

Voilà ça, c'est le spectre de manière assez rapide de la. Fondation Good Planet. 

Ce que c'est une fondation alors en fait, le secteur des fondations est extrêmement large, il est extrêmement diversifié les fondations, il y en a sur tous les secteurs d'activité. Il y a des fondations qui travaillent sur les enjeux d'éducation, sur la culture, sur l'environnement. C'est un peu comme le monde associatif.  

D'ailleurs, une fondation, c'est une ONG. On va dire qu'il y a le grand monde, des ONG et dans les ONG, il y a différentes formes. Il y a une forme de fondation, il y a une forme d'association, on peut, c'est des différentes formes juridiques, avec des spécificités, chacune différente.  

Dans le monde des fondations, on a ce qu'on appelle plutôt des fondations redistributrices, donc c'est la majorité des fondations, c'est des fondations qui vont plutôt être dans un mode de redistribution financière. Donc, des fondations qui vont être dans une réflexion de sélection de projet, et de voir comment est-ce qu'elles peuvent financer ces projets, notamment à toutes les fondations d'entreprise.

Il y a beaucoup de fondations d'entreprises, elles vont être beaucoup dans ces dans ces logiques-là, chacune avec leur spectre spécifique et qui peuvent être à la fois un spectre de secteur mais aussi un spectre d'impact. Chacune aura un peu une définition de ce sur quoi elle souhaite agir.  

Voilà y a ces fondations redistributrices, donc, qui vont plutôt avoir une réflexion financière. Comment est-ce qu'elles permettent de financer certains projets menés par exemple par des associations ?  

On est plutôt une fondation que j'appellerais d'action, une fondation agissante donc, qui va ressembler beaucoup en effet à une association, c'est-à-dire que nous, on va plutôt faire qu'être dans une réflexion de redistribution, on en fait un peu, mais on est surtout à agir sur le terrain.  

Par exemple, quand on fait de la sensibilisation, là, en ce moment, on annonce un grand programme à destination des 15-25 ans. A la fois de sensibilisation et de réflexion avec eux sur comment est-ce qu'ils voient l'avenir, quel type de projet ils aimeraient développer ? Comment est-ce que on fait entendre leurs paroles dans le débat public et dans l'espace public ? Parce qu'enfin, faut savoir qu'il y a 50% des 15-25 ans qui estiment que leur parole n'est pas entendue dans le débat public, ça m'interpelle beaucoup ce chiffre, donc on a développé un grand programme pour les 15-25 ans ! 

Là, c'est un projet que nous on mène, c'est-à-dire qu'on va aller pendant 3 ans sur le terrain, dans toute la France pour faire des rencontres entre ces jeunes et avec des acteurs de la société civile.  

On travaille avec les échos délégués, on met en place un concours qu'on appelle résonance, un concours d'expression à destination de cette jeune génération. Voilà, c'est plutôt notre modalité, mais c'est qu'on est un type de fondation parmi d'autres.  

(M) : Merci beaucoup parce qu'en fait effectivement c'est plus clair. Si je récapitule, on a le grand monde des ONG où on est à différents types d'organisation et ce que tu me disais, c'est que ça repose plutôt sur le caractère juridique qui détermine le exactement la formation de l'entité ?  

Et donc on voit 2 grands types de fondations : les fondations redistributrices, qui vont plutôt avoir vocation à financer des projets et les fondations que tu nommes agissantes comme la Fondation Good Planet qui est plutôt orientée dans l'action.  

Tu me parlais de différents projets que vous faites à l'échelle internationale. Comment ça se passe ? Vous avez des équipes sur place ? Comment tu peux t'assurer que les équipes sur place sont en phase avec ce que vous souhaitez faire ? Comment tu gères la transparence de ce qui peut se passer à l'autre bout du monde ? 

(A) : Alors on a une logique qui est un peu sur les projets qu'on fait dans le monde entier, et donc via un programme qui s'appelle Action Carbone Solidaire. On a une logique qui est un peu entre la Fondation agissante et la Fondation redistributrice.  

Nous, on s'est dit que c'était extrêmement important d'accompagner les acteurs qui font bien et on a été dans une logique qu'on ne fait jamais mieux que les gens qui sont sur le terrain. C'est à dire que on n'a pas souhaité développer, soit des équipes locales, mais qui auraient été finalement pilotées par une équipe parisienne. On s'est dit que c'était beaucoup mieux de plutôt travailler avec les structures associatives ou de l'ESS qui sont déjà sur place, qui sont des gens de la région qui connaissent les spécificités, la culture, les difficultés, ce qu'il est possible de faire, ce qu'il n'est pas possible de faire et qui connaissent aussi les vrais enjeux du local.  

Donc, nous on est plutôt là dans les projets Action Carbone Solidaires. Donc on fait à l'étranger, mais aussi en France. Il y a à peu près 1/3 de nos projets en France, 2/3 à l'étranger.  

Là, on va être dans un modèle où on sélectionne des projets, on est vraiment dans une réflexion de sélection, on va aller regarder ce qui nous paraît, avoir le plus d'intérêt en termes d'impact, par rapport plutôt à notre grille d'analyse à nous dont je parlais tout à l'heure autour de du climat, de la biodiversité, des ressources et de des enjeux sociaux et de la réduction des inégalités ?  

Et puis on est dans une dynamique où on va être une espèce de caution pour ces projets, pour leur permettre d'avoir accès à des fonds. Ils n'auraient pas forcément. C'est ça, c'est une première modalité qu'on fait donc là on va être plutôt dans une réflexion de recherche et des fonds pour eux et de leur redistribuer l'argent. Un peu comme je parlais tout à l'heure.  

On a aussi une logique. L'idée, on essaie de notre réflexion, c'est de ne pas être que distributrice. On est aussi dans une logique d'ingénierie pour ces projets, c'est à dire qu'on va les accompagner là où ils en ont besoin. Souvent, ça va être dans des réflexions de changement d'échelle, dans des réflexions d'analyse d'impact.  

On fait aussi des projets via des mécaniques de réduction des impacts climat vient du financement de carbone et dans ce cadre-là, on a un apport supplémentaire dans la certification des crédits carbone qu'on va apporter à ces structures qui n'ont pas forcément ni les moyens financiers ni les moyens d'expertise pour avoir accès à ces financements-là.  

Donc nous notre logique c'est plutôt de se dire, quand on identifie des projets à très fort bénéfice, avec des dynamiques extrêmement intéressantes et extrêmement belles dans ce que nous on pense être la nécessité de transition, comment est-ce qu'on peut faire pour leur donner les moyens de faire déjà les projets qu'ils souhaitent faire ?  

Et puis si ces projets fonctionnent bien et répondent aux impacts qu'elles ont qu'on avait identifiés, comment est-ce qu'on peut faire en sorte qu'ils deviennent plus gros et qui se et qui s'essaient le plus possible ? 

(M) : OK, effectivement, recherche de fonds et ingénierie. Et maintenant si, si on dézoome un petit peu sur le fonctionnement de la Fondation. Deux questions : vous êtes combien aujourd'hui puisqu'effectivement vous faites plein de choses-là quand tu m'as pitché dans les grandes lignes, les actions, je me dis, “waouh, combien de personnes aujourd'hui travaillent avec toi ?”  

Et je me pose aussi la question d'un rôle peut-être plus de lobbying des fondations, est-ce que c'est une de vos actions ? 

(A) : Alors on a une cinquantaine de personnes en courant à la fondation de Good Planet et non, on ne fait pas de lobbying, on. On est alors dans les le monde des ONG, on aime bien parler plutôt de plaidoyer et c'est vrai, il y a des structures qui vont être plutôt des structures de projets, des structures qui vont être plutôt des structures de plaidoyer et on a vraiment besoin des deux. 

Nous, on a une structure de projet. Et on ne peut pas tout faire, déjà il y a pas mal de choses. Et puis c'est un vrai métier, le plaidoyer, le fait de faire passer un message auprès des instances, qu'elles soient publiques ou privées. Et donc ça, c'est une expertise qu'on n'a pas développée.  

Par contre, ce que je trouve intéressant, c'est comment est-ce qu'on crée plus de liens justement, et c'est une vraie réflexion à avoir, je pense dans le monde associatif, dans le monde des ONG, dans son ensemble : comment est-ce qu'on s'assure, qui est le plus de liens possibles entre les acteurs de projet et les acteurs de plaidoyer ? Parce qu'on est extrêmement complémentaires dans notre modalité d'action.  

Et c'est intéressant de voir comment est-ce que le plaidoyer, comment est-ce qu'alors, les gens des plaidoyers c'est des gens qui ont énormément de matière sur les grands enjeux, sur la manière dont on peut faire bouger des lignes à grande échelle, parce qu'on va faire bouger des lignes gouvernementales ou des lignes européennes, par exemple, on peut faire évoluer les lois et donc qui ont une vision extrêmement large, ett puis une vision des grandes marques qui est extrêmement intéressante pour nous. Les acteurs de projet, y compris pour identifier les enjeux sur lesquels il faudrait qu'on se positionne.  

Et puis nous, acteurs de projet, on a beaucoup de de matières extrêmement intéressantes sur ce qui marche, ce qui marche moins bien et qui permettrait d'alimenter cette réflexion de plaidoyer.  

Donc pour moi, enfin la réflexion que j'ai beaucoup en ce moment, c'est comment est-ce que on crée des liens sans se marcher dessus, mais je crois que ça ne sera jamais le cas entre les ONG de plaidoyer et les ONG de terrain ett de projets. 

(M) : Et pourquoi c'est difficile en fait ? Pourquoi est-ce que ces demandes ne cohabitent pas encore tout à fait aujourd'hui ? 

(A) : Alors ils cohabitent. Il y a beaucoup, il y a déjà beaucoup de choses qui se font mais parce que c'est des métiers différents et que la une des difficultés du monde des ONG, c'est qu'on a des moyens très limités et que notamment des moyens financiers très limités et qu’on va toujours être dans une logique d’hiérarchiser et prioriser nos moyens parce qu'ils sont par nature limités et donc de les prioriser sur notre cœur d'action. Par exemple, nous qui faisons du projet, on va essayer de faire en sorte que le maximum de l'argent qu'on aille sur le projet aille sur les projets ou pour la réalisation des projets.  

Donc évidemment en fait ça crée des difficultés, on n'a pas comme on peut avoir dans le monde privé ou dans le monde de gouvernemental, des espaces ou des compétences ou des ressources humaines qui vont nous permettre de faire justement ce travail plutôt de liaison, de prise de distance.  

Donc moi je dirais que ça, c'est un des enjeux. Après, je n'ai pas suffisamment de recul, peut être que c'est aussi une quelque chose qui est lié à l'historique qu’il y a par nature enfin qu'historiquement ça s'est plutôt fait chacun de son côté.  

Mais je pense que là on arrive à un moment où il y a besoin de renouer beaucoup de liens encore une fois, un lien qui existe déjà beaucoup mais qui peut être nécessiterait d'être un peu plus fort. 

(M) : Ok très bien, et tu te levais la question et justement des moyens limités aujourd'hui, c'est quoi le business model de la Fondation Good Planet ? 

(A) : Alors à la Fondation, on a un business model qui est très lié à la générosité, la générosité du public. Donc on est très dépendant à la fois des dons des particuliers et des dons des entreprises. La majorité de notre de notre financement est fait par des dons du public et des dons des entre. C'est ça, on a, on a très peu de financements publics, malgré le fait qu'on a une grande mission d'intérêt général. Mais c'est aussi parce que nous traditionnellement à la fondation Good Planet, on est plutôt allé chercher des financements privés parce que c'était plus facile.  

C'est un grand questionnement que j'ai : on a quand même une immense. Par exemple, on a un espace au domaine de Longchamp où on fait dans le bois de Boulogne à Paris où on fait beaucoup, beaucoup de travaux de sensibilisation, notamment avec les classes. On accueille entre 10 et 12000 scolaires par an dans cette dans au domaine de Longhamp. On travaille beaucoup avec les associations, on accueille gratuitement le grand public tous les week-ends avec une programmation de grande qualité.  

C'est une mission d'intérêt général et je pense que c'est important aussi que les missions d'intérêt général soient financées potentiellement un peu par de l'argent privé, mais aussi par de l'argent public. Parce que à la fois pour diversifier les financements et puis pour se rappeler quelle est la mission d'intérêt général et comment est-ce qu'on peut aussi aller chercher du financement plutôt public pour l'émission d'Inter-général.  

Par nature, dans toutes les ONG, il y a souvent des financements qui viennent de différentes petites rivières pour former un plus grand fleuve. Traditionnellement, c'est à la fois des financements privés par des financements publics, par de la subvention, des financements privés, par du mécénat et des financements par des dons du public qui qui sont chacun des sources de financement, avec leurs spécificités. 

(M) OK, merci beaucoup c'est plus clair. À propos de la sensibilisation du grand public, comment vous faites pour mesurer l'impact de la sensibilisation que vous pouvez avoir ?  

En préparant cette interview, je me disais, est-ce que finalement, quand on crée des actions de sensibilisation, on arrive à attirer en public peut-être non ? Convaincu, plus sceptique versus un public qui va déjà être convaincu par la cause et peut être plus attiré par ce type d'événement ?  

(A) : Alors l'analyse d'impact de la sensibilisation, c'est l'analyse d'impact la plus compliquée parce que si je compare par exemple à un projet sur le terrain.  

Par exemple, on a un grand projet en Inde où on construit des biodigesteurs dans des régions très reculées de l'Inde. C'est facile de mesurer l'impact, parce que on peut tout de suite mesurer l'impact sur la santé des bénéficiaires sur le temps passé.  

Ce sont des populations qui étaient très dépendantes du bois pour s'alimenter et qui aujourd'hui ont accès à une gazinière qui leur permet potentiellement de gagner entre 2 et 3h par jour. C'est du temps qu’on ne va pas chercher le bois ou on ne va pas couper le bois, ou on ne va pas s'occuper du bois.  

Donc là en fait c'est assez facile, entre guillemets, de mesurer l'impact direct, c'est aussi facile de mesurer l'impact indirect parce que on a des méthodes pour calculer la déforestation, qui est limite et qui est réduite par ce projet. On a des mécaniques via la tonne équivalent CO2 qui nous permettent d'avoir une des mesures très précises de l'impact. On a aussi des façons de mesurer l'impact sur les pratiques agricoles derrière.  

Donc voilà, sans rentrer dans le détail de ce projet, c'est on va dire c'est assez simple, même si ça reste. Il y a quand même un degré de complexité, mais on a des mesures assez simples et qu'on peut voir sur le terrain directement.  

La sensibilisation, par nature, c'est quelque chose qui est sur un temps très long, c'est à dire qu'en fait, si je devais comparer la sensibilisation à une réflexion agricole qui plante des graines, c'est-à-dire que on plante des graines qui vont mettre plus ou moins de temps à sortir de terre, comment est-ce qu'on mesure ?  

Déjà, si la graine est bien rentrée dans le sol, si la graine a eu suffisamment d'eau et de nutriments pour commencer à étendre ses racines et si la graine va réussir à être suffisamment forte pour former une plante et donc un vrai changement, c'est très compliqué.  

Et puis surtout, c'est sur un temps très long. On va plutôt être dans des mesures du nombre de personnes qui viennent, de la diversité de ce qu'on a dans notre public. Donc en effet, ce qu'on a des publics que de convaincus et ce qu'on on est plutôt en train de se parler entre convaincus ? Est-ce qu'on a des publics qui viennent, en qui sont moins convaincus ou au contraire pas du tout convaincus ? 

Et ce qu'on a une diversité de publique et ce que à la fois d'un point de vue d'âge, d'un point de vue social, d'un point de vue d'origine, notamment géographique. Donc c'est plutôt ces mesures là qu'on va prendre mais qui vont nous permettre plutôt de voir quel est l'impact d'un point de vue d'extension, c'est-à-dire est-ce qu'on arrive à planter des graines dans le plus d'espace possible, se dire, est-ce que la graine a pris ça ? C'est beaucoup plus difficile, comment est-ce qu'on va voir ?  

On va voir quand on a des nouvelles, par exemple, quand on travaille avec des jeunes, on a fait un grand programme mission énergie il y a quelques temps. Et on avait, comme d'habitude, fait des mallettes pédagogiques travailler en direct, créer un réseau d'ambassadeur.  

On a mesuré, il y avait des graines qui avaient très bien pris à partir du moment où il y a des jeunes qui nous ont redit “ah, mais moi je bien aimé votre matériel, en fait je me suis tellement approprié que vous aviez créé une page Facebook pour un événement. En fait, j'ai créé ma propre page avec ma propre dynamique, avec mon propre réseau auquel”. On voit que ça a pris en fait exactement”.  

Mais voilà, ça va être des choses très ponctuelles. C'est mais c'est un vrai questionnement qu'on a nous en interne, comment est-ce qu’on mesure l'impact pour être sûr qu'en fait, l'effort qu'on met, on le met au bon endroit.  

(M) : Bien sûr, j'imagine complètement que c'est une question qui vous anime. En fait le point que tu mentionnais sur le feedback à partir du moment où vous arrivez à peut-être instaurer une relation dans la durée avec le public, c'est là où, petit à petit, vous pouvez mesurer. J'aime beaucoup l'analogie de la graine. Si la graine à germer ou pas et où elle en est dans sa dans sa croissance.  

Écoute Albane, on a pas mal parlé de la Fondation, on a exploré un peu le business model, les liens avec différents acteurs pour encore augmenter l'impact de la Fondation. On vient de parler de sujets de sensibilisation et de l'impact, qui est une vraie question.  

J'ai maintenant envie qu'on discute du sujet de la biodiversité. À la Fondation Good Planet, préserver et restaurer la biodiversité, c'est une de vos missions si je ne me trompe pas ? 

(A) : Tu ne te trompes pas, c'est exactement ça.  

(M) : Et donc jusqu'ici en fait, dans ce podcast, on a beaucoup parlé du carbone et donc je voulais profiter de ta présence aujourd'hui pour pouvoir en fait explorer ce sujet qui est extrêmement fondamental pour la transition et on va voir pourquoi.  

J'aimerais commencer par introduire quelques chiffres. En fait, quand on se plonge un petit peu dans les études récentes qui ont été menées, donc j'ai 3 chiffres à vous donner.  

Le premier c'est 8 000 000, c'est le nombre total d'espèces estimées animales et végétales sur la terre et Parmi ces 8 000 000, on a 1 000 000 d'espèces animales et végétales qui sont aujourd'hui menacées d'extinction.  

Et un autre chiffre que j'avais envie de vous transmettre sur plutôt l'impact humain sur la terre et les environnements marins. On a 3/4 de l'environnement terrestre, et environ 66% du milieu marin qui ont été significativement modifiés par l'action humaine.  

C'est des chiffres qui viennent de l'IPBES, c'est une plateforme intergouvernementale et scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, c'est on peut dire le GIEC de la biodiversité. 

(A) : C'est exactement ça. C'est le GIEC de la biodiversité. 

(M) : Donc voilà un petit peu pour le décor. Moi, c'est des chiffres qui me font froid dans le dos et donc j'ai bien envie que déjà on se pose la question en fait, pourquoi ce sujet il n'est pas aussi populaire que le carbone, alors on a des chiffres assez terrifiants ? 

(A) : Oui, c'est une très bonne question. Je vais rajouter quelques chiffres au chiffre que t'as donné. Je pense que c'est important aussi de se dire qu'il y a une masse importante en effet de perdre de la biodiversité. Mais on pourrait se dire, en fait, il y a toujours eu une évolution et une perte de la biodiversité dans l’histoire de la Terre.  

En fait, la biodiversité, c'est comme le climat, c'est à dire que ce n'est pas le fait que ça évolue. Le problème, c'est la vitesse avec laquelle ça évolue.  

Pourquoi est-ce qu'aujourd'hui on parle d'extinction de masse ? C'est à la fois parce que la quantité de perte de biodiversité est complètement hallucinante, mais aussi parce que le taux d'extinction est 1 000 fois supérieur au taux d'extinction.  

1 000 fois donc c'est exactement comme le climat, c'est-à-dire qu'y a une accélération et une vitesse de disparition qui est du jamais vu dans l'histoire de la terre et qui est un vrai problème, c'est la vitesse avec laquelle les transformations se font. 

Je vais donner aussi un autre chiffre qui, je pense est important et parfois qu'on a tendance à oublier, c'est qu'il y a 50% du PIB mondial qui dépend de la nature et de la biodiversité. 50%.  

En fait, on a une dépendance, on oublie la dépendance totale qu'on a à la biodiversité. C'est bête, mais les abeilles disparaissent, les pollinisateurs disparaissent, en général, on ne peut plus manger. Voilà, c'est aussi simple que ça, je ne sais pas quel besoin est plus important pour nous que manger. 

(M) : Oui, en fait, la nature nous rend de nombreux services qu'on ne voit plus du tout... 

(A); Oui, on ne voit plus les services qu'elle nous rend ont parce que on a perdu le lien avec la nature. Alors loin de moi l'idée de dire c'était mieux avant, il faut qu'on revienne en avant.  

Mais le fait est qu'il faut qu'on reconnaisse que dans le développement de nos sociétés actuelles, on a perdu quelque chose qui est assez fondamental, qui est le lien avec ce qui nous fait vivre et ce qui nous fait vivre aujourd'hui. C'est l'air qu'on respire, c'est l'eau qu'on boit, c'est ce qu'on mange. Et tout ça, c'est extrêmement dépendant de la, de la biodiversité.  

J'aimerais aussi rappeler qu'elles sont alors dans le dans ce rapport de l'IPBES dont tu dont tu parlais il y a une autre donnée qui est extrêmement intéressante. Ils ont fait une estimation des causes principales qui expliquent la cette dégradation extrêmement rapide et extrêmement importante de la biodiversité.  

La première cause de dégradation de la biodiversité, c'est la dégradation des terres et des mers, évidemment provoquée par l'homme, c'est l'immense dégradation des terres et des mers qu'on fait, notamment par nos pratiques agricoles, par nos pratiques de pêche, etc.  

La 2e cause, c'est la surexploitation des espèces, c'est à dire qu'on s'est abrogé le droit de voir les espèces comme un bien de consommation comme un autre qu'on surexploite. Et qui crée en fait des phénomènes, notamment de zoonose, de sur concentration ou de réduction de la diversité génétique des animaux qui créent, qui est une des causes aussi de principales de cette dégradation. 

(M) : Tu peux être juste définir ce qu'est la “zoonose” ?  

(A) : Oui, on en a beaucoup parlé dans les cas de Covid, quand on a commencé à chercher les causes de se dire d'où vient d'où vient la maladie ?  

Souvent, en fait, les maladies qui vont arriver à l'homme, c'est des maladies qui sont d'abord passées par l'animal et qui peuvent, je suis pas du tout une spécialiste, donc j'espère que je ne vais pas heurter les spécialistes. C'est comprendre ces liens entre les, les maladies animales, les maladies qui arrivent jusqu’à l'homme.  

Et puis, souvent, on se rend compte qu'en fait il y a des transmissions qui peuvent se faire de manière beaucoup plus rapide ou accélérée quand il y a en fait, c'est un peu le lien qu'on avait fait dans le cas du COVID, entre la proximité entre les espèces sauvages et les espèces non sauvages. Et puis la dégradation des écosystèmes qui fait qu'en fait, ces transmissions de maladies vont se faire de manière beaucoup plus rapide et beaucoup plus brutale.  

Je continue sur les causes de dégradation. Et la 3e cause de dégradation, c'est le changement climatique. Donc ça c'est important aussi de le souligner. En fait, tout est extrêmement lié.  

Finalement, quand on réfléchit bien le climat, la biodiversité, nos ressources, nos ressources, je ne vais pas dire nos ressources, c'est les ressources naturelles et le bien-être humain. Tout ça, c'est extrêmement lié et donc la 3e cause de dégradation de la biodiversité, c'est le changement climatique.  

Et enfin la 4e cause, c'est les pollutions et les espèces invasives. L'augmentation des espèces invasives, tout ça est souvent, enfin, toutes ces causes-là sont très liées, c'est aussi par la dégradation des écosystèmes qu'il y a une augmentation des espèces invasives.  

Il y a aussi le fait que nous par nos voyages, par le fait que on soit sur tous les espaces, tout le temps on a ramené des espèces qui n'auraient pas dû arriver à un certain endroit et que les espèces locales n'ont pas le temps de s'adapter à ces espèces invasives. Voilà, ça, c'est les 4 grandes causes de dégradation de la biodiversité.  

Pourquoi est-ce qu'on n'a pas pris le sujet ?  

Pourquoi ce qu'on ne le prend pas à la hauteur des enjeux aujourd'hui ?  

C'est une très bonne question, je ne vais pas avoir une réponse complète. Je pense que globalement, on ne prend pas les enjeux environnementaux à la hauteur auxquels on devrait les prendre parce que on a perdu de vue.  

On a perdu de vue le fait qu’on était extrêmement dépendant de nos des écosystèmes, de là où on vit et je pense qu'on a mis du temps à vraiment comprendre alors ça fait très longtemps, y a beaucoup de gens qui comprennent l'impact qu'on a sur l'environnement, mais on a, on a mis du temps en tant que société, c'est-à-dire collectivement à comprendre l'impact qu'on avait sur nos écosystèmes et surtout à quel point on sillait la branche sur lequel on était assis, à quel point on mettait le feu à notre propre maison.  

C'est intéressant de se dire, ça fait 20 ans que Jacques Chirac a eu ce fameux discours qui disait, notre maison brûle. Alors déjà, ça fait 20 ans qu'on s'est dit ça et ça fait 100 ans qu'on devrait se dire exactement mais voilà, on a la maison qui brûle, on a mis nous-mêmes le feu à la maison et on regarde gentiment le truc brûlé.  

Mais c'est très lié à des dynamiques du changement, c'est très compliqué. Déjà prendre conscience de ce qu'on fait se dire, “OK, j'ai pris conscience, mais comment je peux faire différemment” ? Qu'est-ce que ça veut dire de faire différemment et ce que j'ai intérêt à faire différemment et ce que c'est à peu près désirable le fait de se projeter dans autre chose ? Comment je vais actionner les mécaniques de mise en mouvement et de changement ?  

Alors déjà c'est compliqué d'un point de vue individuel. Mais alors, d'un point de vue sociétal, c'est extrêmement complexe. 

Je pense que l'enjeu de la biodiversité, il a cette difficulté supplémentaire que contrairement au climat, on ne peut pas avoir une mesure unique. On n'a pas cette espèce de tonnes équivalent CO2. Et je vais même un peu plus loin. Je pense qu'en fait, on a d'abord commencé. Par le climat parce que d'une on voit enfin, c'est massif et qu'il faut vraiment que l'on s'en occupe, c'est plus qu'urgent.  

Mais aussi parce qu'il y avait une espèce de facilité de mesure et de compréhension. Il y a ce carbone en fait qui se balade partout, qui est produit quelque part et qui en fait va impacter la planète entière et sur lequel on a une espèce d'unité de mesure qui permet d'ancrer aussi de faciliter la compréhension dans les esprits. On ne peut pas faire ça avec la biodiversité. 

Pourquoi ?  

Parce qu'en fait, par nature, la dégradation de la biodiversité est extrêmement locale, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas avoir une mesure d'unité unique et universel, parce que comment est-ce qu'on peut comparer la disparition des grenouilles ? Je ne sais pas, je vais dire n'importe quoi, la disparition des populations de grenouilles dans les Vosges et la réduction massive d'une espèce de coléoptère au fin fond de la forêt amazonienne.  

Les causes ne seront pas les mêmes, les spécificités, la façon dont on peut agir seront extrêmement différentes et donc du coup on n'a pas d'unité de mesure identique et on a des dégradations et des impacts qui sont extrêmement différents d'une zone à une autre.  

Donc je pense que ça n'aide pas non plus les éléments de compréhension. Et puis ça n'aide pas non plus à comprendre et à mesurer. Comment est-ce qu'on peut faire des projets qui soient positifs pour la biodiversité ? Peut-être que je pense que c'est un élément de réponse, ce n'est pas forcément le seul. 

(M) : Il y a une chose que tu viens de dire, qui, qui m'interpelle aussi, en fait, c'est la compréhension qu'on a sur le carbone versus la compréhension qui nous est plus difficile en tant que société à maîtriser sur des écosystèmes, en fait qui sont très complexes.  

Et quand je faisais aussi mes recherches pour préparer ce podcast, je me rendais compte à quel point les imbrications entre les écosystèmes sont fortes. On parle vraiment de toi et j'ai une collègue qui me prenait l'analogie en fait d'une boîte qu'on soulève et en fait, on voit un immense réseau où tous les animaux, les végétaux, sont connectés avec d'immenses files dont on ne maîtrise peut être encore aujourd’hui, pas toute la complexité donc effectivement je pense que le point de la compréhension est clé pour ensuite pouvoir agir.  

Et justement sur cette question de l'action à laquelle j'aimerais bien venir, comment on fait aujourd'hui quand on a posé le constat, quand on a parlé des causes et qu'on s'est rendu compte qu'on n'agissait pas assez, comment on fait pour protéger les écosystèmes et j'irai même plus loin dans ma 2e question, comment on fait peut-être aussi pour restaurer des écosystèmes ? 

(A) : Alors, il y a plein de modalités d'action. La première, c'est de faire attention, de prendre soin soin. Cette notion de prendre soin, elle est vraiment, elle est vraiment fondamentale. Ça veut dire qu'il faut d'abord qu'on reprenne conscience de ce qui nous entoure.  

C'est vrai avec ce qu'on appelle la nature, c'est-à-dire plutôt la réflexion d'écosystème. Mais c'est vrai aussi avec nous, on est aussi un écosystème qui se dégrade. Les hommes sont aussi dans un dans un écosystème qui se dégrade.  

Donc moi j'aime bien l'idée de prendre soin, de ce qui nous entoure, que ce soit les hommes, que ce soit les animaux, que ce soit les espèces végétales. 

(M) : Et je me permets d'intervenir parce que ça me rappelle une interview de Baptiste Morizot, que j'avais écoutée, qui disait, on protège mieux ce qu'on comprend exactement, qui est très lié à ce que tu viens de dire ! 

(A) : Exactement, et en fait de comprendre ça nécessite d'observer, donc c'est pour ça qu'en fait pour moi, c'est un peu la fait la poule. C'est-à-dire que à partir du moment où on prend le temps, on se on dit que c'est du temps bien investi que c'est bien de prendre du temps pour observer ce qui se passe autour de nous pour comprendre ce qui se passe autour de nous. Là on pourra justement comprendre ce qui se passe.  

La compréhension, ça demande évidemment d'avoir accès à de l'information et ça, il y a plein de choses qui peuvent être mises en place, mais ça demande aussi de passer du temps à s'interroger, à observer, à se dire par exemple, quand j'étais petite, voilà comment c'était autour de moi ? Est-ce que c'était bien, est-ce que ce n'était pas bien ? Voilà comment c'est aujourd'hui. Est-ce que c'est mieux ? Est-ce que c'est moins bien ?  

Et ce qu'est-ce que je suis OK avec le fait que les glaciers disparaissent et que potentiellement quand je serai vieux ou quand mes enfants auront l'âge d'aller en montagne, il y aura plus de glaciers. Est-ce que je suis OK avec ça ?  

Donc du coup potentiellement les montagnes s'effondreront à une vitesse extraordinaire parce qu'en fait ce qui tient une montagne, c'est une partie le glacier, la glace, qui va tenir la roche. Et est-ce que je suis OK avec ça ?  

Et si je ne suis pas OK avec ça, comment je peux faire, comment je peux agir à mon échelle individuelle, mais surtout à mon échelle collective, comment je peux agir dans mon entreprise, comment je peux agir en tant que citoyen, qui vote, comment je peux agir en interpellant mes décideurs publics auxquels j'ai accès, par exemple, mon député ?  

Donc ça, c'est un moyen d'action qui est qu'aujourd'hui en fait sous-estimé. On a l'impression qu'on a des moyens d'action très limités, c'est vrai d'un point de vue individuel en fait, on peut agir, mais c'est la portée de nos actions, va être assez limitée.  

Par contre, quand on se réfléchit en tant qu'individu qui est intégré dans beaucoup de collectifs, le premier collectif étant l'espace où on travaille. Et tout de suite, on a un champ d'action qui s'étend.  

Le 2e collectif étant la société dans laquelle on vit, la société pouvant être son quartier pouvant être sa ville pouvant être sa son pays ou on a plein de moyens d'action, on a des gens qu'on qui, qui sont dont le job est d'écouter et d'essayer de répondre à nos interrogations, mais encore faut-il qu'on les fasse entendre ces interrogations ! 

Donc, interpeller son élu local, aller dans une association qui permet de porter sa voix, interpeller son député, c'est des moyens d'action qui sont extrêmement puissants et qu'on oublie. 

Il y a des moyens d'action aussi qui qui sont assez intéressants dans le cadre de la biodiversité. Alors c'est quelque chose qui me passionne depuis toujours, c'est la notion de la place - la place qu'on prend. Je trouve que c'est vraiment une réflexion importante dans la réflexion sur la biodiversité. La première cause encore une fois mise en place par le rapport de la mise en avant par le rapport de l’IPBES, c'est la dégradation des terres.  

En fait, on a pris une place, nous les humains, par rapport aux autres écosystèmes qui est assez démentent quand on commence à regarder l'espace qui est pris par nos villes, par nos champs, par nos systèmes de production, d'énergie, par notre système de mobilité, par nos routes, nos chemins de fer, etc, etc  

C'est assez fou la place qu'on prend, c'est dingue en fait. Peut-être que déjà un des premiers moyens d'action, c'est de se dire, comment est-ce que je prends un peu moins de place. Pas pour me taire ou pour ou pour me contraindre dans ma vie.  

(M) : Tu parles de la place physique ? 

Oui, mais c'est aussi on pourrait parler de la place non physique. Elle est importante aussi celle-là. Et déjà la place physique. Encore une fois, pas pour me contraindre, mais pour laisser un peu plus de place aux autres écosystèmes.  

Et en fait, ça serait intéressant pour moi parce que si je laisse un peu plus de place aux autres écosystèmes, il y a des chances que déjà ça me serve d'un point de vue très cynique parce que, je vais créer un peu plus de résilience dans les espaces qui m'entourent et donc ça sera mieux pour moi dans le futur. 

Mais aussi parce que ça va me permettre d'avoir des espaces naturels dans lequel je pourrais en faire attention, me promener, que je pourrais observer et qui sont souvent des grandes sources de satisfaction et d'émerveillement.  

Donc voilà la question de la place, la place physique mais aussi la place non physique, la question de la lumière, du bruit qu'on fait. C'est des espaces qu'on pourrait dire non physiques, mais qui sont aussi des notions autour de la place qu'on prend la place qu'on prend en termes de bruit, elle est colossale, ça c'est pareil, c'est un incroyable le bruit qu'on fait. Le bruit ça gêne la biodiversité. La lumière qu'on produit, ça gêne beaucoup la biodiversité.  

Réfléchir à tout ça, je pense que c'est une bonne façon aussi d'enclencher une dynamique qui est intéressante.  

En fait, l'espace il n’est pas infini. On est sur une planète finie, tout le monde se rend compte. Là, ça fait quelques siècles qu'on est d'accord avec ça. Il faut juste se dire dans un espace fini et hayon à un usage économe de l'espace.  

Arrêtons de nous étaler, maîtrisons notre urbanisme ! Maîtrisons la façon dont on dont on s'étend. Toujours plus, toujours plus, toujours plus.  

Et moi, c'est très important pour moi de faire comprendre que ce qui peut paraître comme une contrainte, par exemple, quand je dis ça, arrêtons de nous étaler.  

(M) : On peut le tourner d'un côté désirable ?  

(A) : Oui c'est une contrainte ! Il ne faut pas se leurrer. Dans le dans le chemin qui va être le nôtre de transition, il y a des contraintes. Déjà, le fait d'être dans un dans un monde physique fini, c'est une contrainte en soi. Donc on va avoir des contraintes. Quand je dis limitons, les l'usage de notre espace, c'est une contrainte.  

Je pense que c'est important à chaque fois de se dire, “OK, je me fixe une contrainte, ce que je peux en retirer” et souvent dans la contrainte, c'est là où on a les espaces de création les plus importants et la manière dont on va prendre la contrainte va changer complètement la manière dont on va construire notre vie.  

Je te donne un exemple. Quand je me dis, il faut que je réduise l'impact personnel que j'ai quand je voyage, je me dis j'arrête de prendre l'avion. Je mets une contrainte, je prenais beaucoup l'avion, je mets une énorme contrainte, j'adore voler en plus, donc je mets une énorme contrainte personnelle. Et en fait je me rends compte en essayant d'autres choses en me mettant voyage à vélo en me remettant dans la dynamique du train.  

Je me rends compte qu'en fait, j'en retire une source de satisfaction personnelle. Et alors vous m'auriez dit ça, il y a quelques années, je vous aurais ri au nez. J'en retire une source de satisfaction personnelle incroyable, beaucoup, beaucoup plus importante que quand je prenais l'avion.  

Mais pourquoi ?  

Parce qu'en fait je me suis rendu compte dans les aventures que j'avais. Dans l'appropriation du territoire que je pouvais faire dans les espaces d'observation que ça me donnait, dans les rencontres que ça me faisait faire, que j'avais beaucoup, beaucoup plus de choses qui se passaient et beaucoup plus de satisfaction personnelle que quand je prenais l'avion pour faire des sauts de puce.  

Donc c'est aussi se dire en fait par la contrainte, la contrainte ce n'est pas juste une contrainte, c'est aussi tout d'un coup un espace nouveau qui s'ouvre et notamment un espace de création et de réflexion sur le monde qui est extrêmement puissant.  

Et on a tendance un peu trop, notamment dans la réflexion environnementale, la réflexion de transition qui doit être la nôtre à l'échelle de la société on ne voit et on ne met en avant que la contrainte.  

C'est important de se dire en collectif, que oui, il y a de la contrainte et elles sont importantes et il faut qu'on se mette ces limites-là, c'est plus possible de penser illimité quand on est dans un espace limité mais que. Dans ces espaces. De contraintes.  

La seule chose qui est limitée, c'est notre capacité d'imagination et notre capacité à créer des choses et à trouver des sources de satisfaction incroyables dans un espace qui, par définition, est extrêmement limité.  

Donc jouons là-dessus et faisons en sorte qu'on soit en capacité de jouer le plus longtemps possible sur cette capacité d'imagination dans un monde qui qui reste limité ! 

(M) : Ce que tu dis ça me parle beaucoup dans la mesure. Pour l'anecdote, ça a vraiment fait naître notre envie de créer ce podcast pour apporter justement un caractère désirable. C'est pour ça que je te disais, on peut aussi trouver de la désirabilité à ces challenges qu'on a en fait, on se pose 2 secondes sur la question et qu'on réfléchit à comment on peut construire un monde de demain, qui nous donne envie en fait, y a plein de choses qu'on peut faire !  

Et ça nous permet d'utiliser en fait ces contraintes comme des opportunités qui sont alors, ces contraintes sont certes très challengeant et voilà, ça ne remet en rien la difficulté qu'on peut avoir en essayant de les surmonter, mais on peut en tout cas, on est convaincu qu'on peut créer un avenir désirable malgré toutes les contraintes qu'on a aujourd'hui !  

Oui, on a donc tu nous as parlé de prendre soin donc par différents biais, de s'engager en tant qu'individu, par plein d'organisations qui elle aussi vont pouvoir avoir un impact. J'imagine aussi qu'on peut s'engager peut-être directement dans des associations. 

 Il y a un point sur lequel je voudrais revenir, c'est quand tu nous parlais de laisser une place à la nature, ça questionne en fait les interactions qu'on peut avoir avec le vivant.  

Est-ce qu'en fait, on pourrait aussi peut-être le laisser tout seul ? Il y a pas mal de réflexions sur le retour à la réensauvagement. Qu’en penses- tu ?  

(A) : Ah oui, au contraire, quand je dis laissez la place, c'est laisser la place aussi d'un point de vue total, c'est-à-dire, c'est important qu'on ait des espaces qui soit complètement sauvage.  

Je ne sais pas si nos auditeurs s'en rendent compte, mais en France, il n'existe plus d'espace qui n'ont jamais été exploités à un moment ou à un autre par l'homme. 

(M) : C'est dingue, c'est dingue de dire ça. 

(A) : Donc une fois, quand on se dit d'un point de vue, quand on réfléchit de manière très globale entre les villes, notre usage de loisirs en fait, c'est ça, surtout, l'usage de loisirs, nos champs etc.  

Et en fait, il y a aucun espace qui n'a pas été, alors je parle sur le territoire métropolitain, il y a aucun espace qui n'a pas été exploité quel qu’il soit, enfin, notamment d'un point de vue, par exemple de loisirs.  

Il existe encore aujourd'hui dans le monde des espaces qui sont complètement sauvages, inexploités et inconnu.  

Et je trouve que même d'un point de vue, d'imagination et d'un point de vue cérébral, je trouve ça très beau de se dire qu'il y a des espaces encore aujourd'hui inconnus.  

J'aimerais rappeler un petit chiffre. En fait, tu rappelais le nombre d'espèces, etc. C'est important de se dire aussi que les chercheurs estiment que malgré ce nombre d'espèces incroyables, connues et reconnues et étudiées, ils estiment qu'ils ont compris que 2% de la biodiversité mondiale. 

(M) : Ah... je ne connaissais pas ce chiffre... 

(A) : J'adore cette idée en fait de se dire que on a tellement l'impression de tout connaître de ce qui nous entoure et en fait on ne connaît rien.  

Ça nous ramène à nos limites aussi même nos limites cérébrales, et je trouve ça très beau en fait de se dire qu'il y a plein de choses qu'on ne connaît pas.  

Gardons cet espace d'inconnu, c'est extrêmement important ces espaces d'inconnus. C'est important aussi parce que cette espèce de moi, je parle d'un délire de l'homme, de se dire qu'il peut absolument tout maîtriser, tout contrôler.  

Je pense que c'est dangereux même, pour nous, parce que ça nous pousse toujours à plus de contrôles, toujours plus.  

Alors moi je suis la première, je suis reste d'une culture scientifique, je suis la première à essayer de comprendre le plus possible. Par contre, comprendre et maîtriser sont 2 choses très différentes.  

Je pense que c'est intéressant qu'on ne contrôle pas tout. Pourquoi ? Parce que la nature dans son ensemble, est beaucoup, beaucoup plus puissante et beaucoup plus intelligente que nous.  

Pourquoi ? Parce qu'en fait, elle a des milliers et des milliards d'années d'expérience. La planète a créé un système autour d'elle qui est d'une efficacité et d'une puissance et d'une résilience qu'on n'atteindra jamais. 

Pourquoi ? Parce qu'en fait, elle a beaucoup plus d'années d'expérience que nous... 

M : C'est vrai. 

(A) :  Et donc je pense que c'est important d'écouter et de comprendre, d'avoir de l'humilité par rapport à quelque chose qui est beaucoup plus puissant que nous.  

Mais cette notion de reprendre notre place. Et ce n'est pas pour ça qu'en fait, on ne sera pas heureux ou qu'on n'aura pas d’espaces, de curiosité, des espaces d'aventures, des espaces de découverte, au contraire, encore une fois, 2% de la biodiversité qu'on connaît, il y a des espaces de découverte partout.  

Mais ces espaces de découverte, ils seront possibles si et seulement si on les laisse s'exprimer. Et aujourd'hui, le problème qu'on a, c'est au lieu de les laisser s'exprimer, on les détruit avec une vitesse complètement incroyable. Retrouvons notre place et laissons la place au reste de s'exprimer pour pouvoir continuer à s'émerveiller toujours plus !  

(M) : Albane, je crois qu'on pourrait parler de ce de ce sujet pendant des heures. J'ai encore plein de questions à te poser mais malheureusement, je sais que l'heure tourne et qu'on n'a pas un temps infini.  

Donc on a beaucoup parlé des constats, des causes et moi ce que je retiens de cette conversation, c'est surtout en fait de questionner notre place.  

Et j'invite aussi nos auditeurs à se lancer dans cette réflexion, de questionner notre place et de trouver peut-être notre juste place dans ce monde par rapport aux vivants ! 

C'est pour conclure ce podcast, puisque on arrive au bout, on a parlé de toi, on a parlé de tes engagements de tes connaissances aussi sur la biodiversité. On sent que par ta curiosité et ton envie de retrouver cette juste place, c'est des questions qui t'animent dans ton quotidien.  

Maintenant, si on se projette un petit peu plus dans le futur, qu'est-ce que toi tu perçois comme être un futur désirable pour nous ? 

(A) : C'est une question tellement immense...  

Si je devais peut-être qualifier ce futur par des adjectifs, je dirais que j'aurais envie d'un futur solidaire déjà. C'est-à-dire que moi, je pense qu’on va avoir besoin là, il y a des défis qui sont face à nous, qui sont colossaux et on va avoir besoin de tout le monde et on va avoir besoin que ce futur qu'on invente, il soit fait partout, c'est pour tous, donc pour moi cette notion de solidarité, elle est vraiment importante. Je pense qu'on a besoin aujourd'hui de s'allier plutôt que de se combattre, de réfléchir en commun plutôt que qu'en divergence.  

Je dirais qu'on a besoin d'un futur créatif. On va revenir à cette réflexion de création. Je pense qu'aujourd'hui, on a la nécessité de réinventer complètement notre modèle de société, notre économie, notre rapport au monde, etc. Et ça peut paraître complètement dingue et peut être très angoissant.  

Moi je trouve que c'est incroyable ce moment-là, c'est une opportunité dingue. Je trouve que c'est un moment vraiment incroyable, peut-être unique dans l'espoir, dans l'histoire de l'humanité. Il va falloir qu’on réaménage et imagine absolument tout et je trouve que parfait pour des créatifs et des inventeurs. Il y en a énormément dans la population humaine.  

C'est un moment génial, de se dire, en fait, c'est le moment où il faut que vraiment, on change complètement de modèle qu'on réinvente ce modèle, qu'on le fasse à l'image de ce qu'on souhaiterait avoir plus tard. Et du coup, ça va être un futur, je pense, qu'il doit se tourner vers... je vais utiliser un terme d'économie horrible mais je n'ai pas d'autres mots... "des nouvelles valeurs refuges”, je dirais ça en fait. 

Mais oui, je pense que ça exprime bien ce que je veux dire, c'est à dire plutôt que se tourner toujours et avoir un peu comme totem, l'argent, la consommation, aller toujours plus vite, toujours plus loin, je pense qu'il faut qu'on se tourne plutôt vers le bonheur, le lien, ça peut paraître très puéril, mais je pense que c'est important de le dire, le soin, l'amour qu'on peut porter aux autres, les autres étant vu d'un point de vue très large, pas juste les autres hommes. L'impact qu'on a à la place qu'on prend, je reviens sur ça. Le temps, t'as parlé du temps, je pense que ça le temps, c'est la chose la plus précieuse qu'on peut offrir à quelqu'un ou à quelque chose... Le temps qu'on passe à observer le temps qu'on passe, à réfléchir le temps qu'on passe, à s'émerveiller.  

Je trouve que c'est une très belle” valeur refuge” de se dire, comment est-ce que je ne réfléchis pas plutôt la société vers un temps qui se qui se ralentit plutôt qu'un temps qui s'accélère. Évidemment, je dirais un futur où on se remet à notre place. J'en ai parlé tout à l'heure, je ne peux pas ne pas le dire. Comment est-ce qu'on pense aux autres, comment est-ce qu'on prend soin, comment ce qu'on pense à la nature, aux animaux, aux autres hommes ? Et comment on leur laisse la place à tout le monde ?  

Oui, prendre soin j'aurais envie de finir sur ça. Et se dire que on a les capacités de faire. J'ai une vision assez réaliste, mais j'ai une vision assez optimiste de du futur.  

Pourquoi ? Parce que je pense qu'on a des capacités d'imagination et de création qui sont extrêmement fortes. Et qu'on peut, en collectif, arriver à quelque chose qui soit beaucoup plus sain et pour nous et pour tout ce qui nous entoure.  

Donc utilisons cette puissance des imaginaires, cette puissance des récits, cette puissance de l'art, cette puissance de la poésie pour avoir quelque chose qui marche mieux. 

(M) : Merci beaucoup Albane pour cette belle conclusion, j'ai envie de rebondir sur un point qui moi m'anime à titre personnel et anime beaucoup de personnes aussi chez Stim, c'est la réinvention, au partage totalement le fait qu'on ait un moment assez crucial en fait, qui est à la fois flippant mais aussi un terrain de jeu incroyable.  

Donc on a plein de choses à faire et je te remercie d'avoir remis l'accent sur ça, sur le fait qu'en fait tout est possible et je trouve que c'est une belle conclusion. Pour terminer ce podcast et je te remercie pour ce temps que tu nous as accordé aujourd'hui pour cette conversation. 

(A) : Je t'en prie, c'est un vrai plaisir, je vais juste dire un dernier mot.  

En fait, je trouve que c'est important aussi de se rappeler, de revenir à la beauté et en fait réinventer, réimaginer se réveiller, c'est revenir aussi à la beauté, à la beauté du monde, à la beauté du geste, à la beauté de ce qu'on fait. Rappelons-nous, que qu'on peut faire des choses incroyablement belles et que faire le beau c'est extrêmement gratifiant. 

(M) : Super, merci beaucoup pour cette conclusion Albane ! 

(A) : Merci à toi Marie. 

*** 

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