Concevoir une alternative au futur de l’énergie : Comment faire de Fukuoka une ville au bilan carbone neutre ?

Cet article a été écrit par Olga Kokshagina et Uli Göltenbott à la suite d’un workshop portant sur ce même sujet durant la conférence ISPIM Connects Fukuoka en décembre 2018. Olga est l’une des cofondatrices du groupe spécialisé en méthodes d’innovation, SIG Innovation Management Methods for Industry, de l’ISPIM, et l'ambassadrice internationale de Stim. L'article a été publié originellement ici

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Au Japon, la transition énergétique a rapidement évolué depuis Fukushima en 2011. Selon EnergyPost, la part des importations dans la consommation totale d’énergie au Japon a augmenté de 93% et les coûts ont drastiquement augmenté. Avec ses 48 centrales nucléaires en panne, le pays a dû se rabattre sur le charbon, le gaz et le pétrole pour produire de l’électricité et a augmenté ses émissions de gaz à effets de serre. 

Pourtant, le Japon ambitionne un passage aux énergies renouvelables. Une projection du bouquet énergétique en 2050 prévoit une transition complète vers les énergies renouvelables pour tous les usages, dont l’électricité, les transports, chauffage et climatisation, et l’industrie. Fukuoka, une ville en plein essor (1,5M), est l’une des plus reconnues au Japon pour sa qualité de vie. Comment une ville en pleine expansion peut-elle atteindre la neutralité carbone ? Comment l’énergie peut-elle être préservée ? Comment en améliorer les rendements ? Et comment sourcer celle-ci de manière verte ?

Systématiser la génération d'idées

Pour répondre à ces questions, nous devons, tout d’abord, nous aligner sur une définition précise d’une ville carbone neutre et comprendre les initiatives en cours dans la ville de Fukuoka. Nous utiliserons la méthode C-Kcomme outil d’analyse pour définir les éléments qui composent une ville carbone neutre et les hypothèses sous-jacentes. La première étape consiste à diviser le concept en principes fondamentaux. Comme l’a formulé Elon Musk : 

| Assurez-vous de comprendre les principes fondamentaux, c’est-à-dire le tronc et les grandes ramifications avant de vous attaquer aux feuilles/détails ou vous n’aurez rien à quoi vous rattacher.

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Fukuoka

Cette étape consiste à décrire de manière complète et systématique notre vision actuelle des villes carbone neutre. Cette description s’articule autour d’éléments fondamentaux de l’objet comme l’usage, le fonctionnement, la distribution, le stockage, etc. Sans ces attributs, l’objet n’aurait pas la même identité (voir le schéma #1 pour une description simplifiée de l’identité). 

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Schéma 1. Identité simplifiée de la ville carbone neutre(contactez-nous pour recevoir une version complète)

Cette cartographie aide à formaliser une vision d’ensemble des acteurs innovants et des initiatives en cours. Par exemple, à l’est de Fukuoka, la ville "Island city" est considérée comme un modèle en terme d’émission zéro de CO2 pour son économie et sa production d’énergie. De fameux architectes japonais ont construit des maisons à Island City qui seraient adaptées aux conditions du zéro CO2. Ils combinent des maisons intelligentes, des systèmes de gestion énergétique à domicile et des dispositifs de partage de l’énergie au sein du quartier. 

Une fois que la cartographie a été réalisée et que la connaissance associée a été identifiée (initiatives existantes, projets en cours), chaque élément peut être remis en cause afin d’identifier d’autres scénarios possibles. Évidemment, l’identité peut varier selon les experts participant à la démarche. C’est pourquoi, pour la voiture autonome de Renault, l’identité construite sera différente de celle de Google et les alternatives ne seront pertinentes que dans un contexte donné. 

Pour imaginer des alternatives, on peut se poser une série de questions types Et si(Et si nous faisions cela différemment ? Et si nous n’avions pas cette fonctionnalité ?...) L’objectif est de construire des alternatives à tous les niveaux (voir Schéma 2). Par exemple : Et si tous les utilisateurs prenaient pour standard une consommation d’énergie proche de zéro ? Cela pourrait se traduire par une baisse de la demande pour l’usage quotidien. Des études montrent que des mesures sur l’efficacité énergétique permettraient de réduire la demande en énergie de moitié d’ici 2050. Si notre mode de vie est conçu pour consommer le moins possible, ce scénario devient possible. Et si nous ne consommions que l’énergie que nous produisons nous-même ? Avec ce comportement prosommateur, nous devenons producteurs de l’énergie que nous consommons. Au niveau des sources d’énergies, et s’il n’y avait plus de réductions d’impôts et d’aides étatiques pour les énergies fossiles et nucléaires ? Ou, et si l’énergie produite servait uniquement à une consommation immédiate ? On pourrait imaginer mettre en place des réseaux électriques, à petite échelle, avec un ancrage géographique réduit, incluant à la fois la production d’énergie et sa consommation. Toutes ces alternatives, prises individuellement ou ensemble, ouvrent de nouvelles possibilités. Les solutions qui ressortent de ce processus ne sont, naturellement, pas toutes faisables dans l’immédiat, mais celles-ci viennent remettre en cause la vision dominante sur un concept particulier, elles aident à imaginer des futurs et des changements de paradigmes. Comme l’affirme R. Buckminster Fuller :  

| On ne change jamais les choses en affrontant l’existant. Le changement passe par la construction d’un nouveau modèle qui rend obsolète l’actuel.

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Schéma 2. Construire des alternatives

Explorer les connaissances 

La génération d’idées n’est que le point de départ. Pour capitaliser sur ces idées, nous devons les creuser davantage et comprendre ce qu’il est possible de faire. Les idées en rupture naîtront de l’acquisition de connaissances nouvelles - provenant parfois de domaines tout autres. Cette étape est cruciale dans la méthode C-K : une fois les différentes alternatives identifiées, il faut organiser la connaissance et dépasser le champ étudié. Cette recherche de connaissance permettra d’explorer les possibilités identifiées mais aussi de décider quels scénarios devraient être testés et développés à l’avenir. Cela fera l’objet d’un prochain workshop.

Conclusion

La méthode C-K était utilisée pour organiser l’exploration d’un domaine en :

  • Créant une définition commune et “exploitable” du concept

  • Ouvrir le champ des possibles

 Nous continuons d’enrichir la cartographie et de rechercher des connaissances qui nous permettraient de concevoir des idées plus originales et robustes. N’hésitez pas à nous contacter si vous pensez pouvoir nous aider à enrichir ce travail et transformer ces idées en des projets d’avenir.    

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ISPIM Connects Fukuoka avait pour but de mettre en lumière trois défis planétaires : le vieillissement, la transition énergétique et la construction d’écosystèmes durables - et ces problématiques peuvent être résolues grâce à l’innovation. Dans ce cadre, Shizen Energy et ISPIM ont étudié ensemble comment la méthode C-K pouvait être utilisée pour créer une roadmap stratégique vers une ville carbone neutre. C’est le premier workshop d’une série organisée par SIG Innovation Management Methods for Industry sur ce challenge.

Au cours de ce workshop, nous avons tenté de définir ce qu’est une ville carbone neutre, mettre en exergue différents goulets d’étranglement et identifier des scénarios possibles. Les prochaines étapes consistent à approfondir notre compréhension du sujet, explorer ce qu’il nous manque pour concevoir des projets ambitieux et réellement innovants, et créer les opportunités nécessaires sur ce challenge particulièrement. Pour cela, le prochain workshop sera organisé à ISPIM Florence sur le sujet de la transition énergétique. Si vous voulez participer à SIG Innovation Management Methods for Industry, si vous êtes intéressés par notre activité, ou si vous avez de brillantes idées à ajouter à la cartographie détaillée, contactez kokshagina@ispim.org

Télécharger notre livret “Réinventer n’importe quoi avec la méthode C-K”

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