Alexis Duval - Agriculture régénératrice, un modèle pour nourrir l’humanité ?

Ceci est une transcription du podcast “Dessine-moi un futur désirable !”
Pour écouter l’épisode, c’est par
ICI.

Dans ce dernier épisode de la saison 2, j'accueille Alexis Duval, cofondateur et CEO d'Intact Regenerative.

Intact Regenerative est une jeune start-up française avec une grande ambition, créer une nouvelle filière agroalimentaire autour des protéines végétales et des produits de fermentation régénératifs. La thématique autour du système agroalimentaire et plus spécialement de l'agriculture me tient particulièrement à cœur puisque j'ai grandi dans ce milieu. Je suis donc heureuse de mettre les projecteurs sur des sujets encore peu connus du grand public comme par exemple la pollution des engrais azotés ou la dégradation chimique des sols. Si on ne travaille pas dans le secteur, ces sujets peuvent parfois nous paraître abstraits, mais ne l'oublions pas, ils sont essentiels pour la survie de l'humanité. Maintenant, avec une population de 8 milliards de personnes, comment se nourrir sans pour autant sacrifier la planète et ses écosystèmes ?

C'est parti !

*** 

Marie (M) : Bonjour Alexis. 

Alexis (A) : Bonjour Marie. 

(M) : Bienvenue, merci d'être ici aujourd’hui. 

(A) : Merci beaucoup pour l'invitation. 

(M) : Avec grand plaisir. Alexis, tu es entrepreneur et fondateur d'Intact, donc une start-up créée en 2022 qui s'inscrit dans la transition du système agroalimentaire. Quand je dis en fait système agroalimentaire, je parle d'une longue chaîne complexe avec beaucoup d'acteurs tous interconnectés, mais en gros et tu me dis si je me trompe, mais on va parler de ce qui se passe dans les champs jusqu'à l'assiette.  

(A) : Exactement.  

(M) : Parfait et donc je veux juste repréciser que ce sujet était très important pour nous l'équipe parce qu'en fait il est vraiment central dans la mesure où une assiette, on en a 3 fois par jour à peu près devant nous. Donc intéressons-nous ensemble au système qui nous nourrit. Alors Alexis, je te propose de commencer par te présenter mais sans me parler de ton métier. 

(A) : Donc je suis Alexis, j'ai 45 ans, je suis père de 3 enfants, 3 enfants adorables, Maxime, Victoire et Jean. Et puis je suis effectivement passionné par toutes les questions liées à l'alimentaire, que ce soit au plan agricole mais également à la façon dont sont produits et acheminés jusqu'aux consommateurs les aliments qu’on consomme tous les jours. 

(M) : C'est à dire que même dans ton dans ton temps personnel, c'est des questions qui t'animent aussi ? 

(A) : Alors j'ai pas beaucoup de temps personnel : quand on est dans un projet comme le mien, c'est assez prenant. Ceci dit, c'est vrai que c'est un fil conducteur depuis tout petit. 

(M) : Est-ce que tu peux nous en parler ? Comment cette passion pour ce secteur est née ? 

(A) : C'est une histoire un petit peu familiale puisque mon grand-père travaillait dans l'agroalimentaire, donc la production de sucre et d'alcool, notamment à partir de betteraves. Après la 2nde Guerre mondiale, il y a eu un besoin de reconstruire toute une filière de production pour parvenir à l'autonomie alimentaire et c'est à ce moment-là qu'il s'est intéressé à la production de sucre. 

(M) : D'accord et donc toi, à cette époque-là t’étais pas encore né ? 

(A) : Alors moi, dès petit, je passais mes dimanches midi le déjeuner familial dans la cour de la sucrerie, dans l'Aisne, à Origny-Sainte-Benoite. 

(M) : D'accord, et donc après pendant tes études et cetera, c'est un sujet qui t'a suivi ? 

(A) : Oui, et c'est surtout par cet angle-là, le fil conducteur du sujet pour lequel on est là aujourd'hui et les questions environnementales. Je suis pas du tout à l'origine, peut-être à la différence d'autres personnes que tu invites dans le podcast, quelqu'un qui ait un environnement familial ou une expérience qui l'a amenée à se sensibiliser très tôt sur les questions liées à l'environnement, c'est plutôt par ce questionnement et ces problématiques alimentaires que, au fur et à mesure de mon parcours, je me suis rendu compte qu’un autre modèle devait émerger. 

(M) : Et justement, ce point-là m'intéresse, ça a été quoi les quelques éléments qui ont commencé à être te questionner, j'imagine qu'il en a eu plusieurs. Est-ce que tu peux nous en partager un ou deux ? 

(A) : Oui, bien sûr, j'ai eu la chance de vivre un certain nombre d'années à l'étranger et je pense que pour moi, ça a été une expérience extrêmement enrichissante, y compris sur ce plan et notamment à partir du moment où, quand j'avais une vingtaine d'années, je suis parti habiter au Brésil. Pour ça, le Brésil est un pays absolument extraordinaire où on côtoie à la fois une nature qui est exceptionnelle. On pense traditionnellement à la forêt et c'est clair que c'est une des composantes incontournables, il y a une richesse environnementale et une nature qui est tout simplement extraordinaire au Brésil et en même temps, on est tout à fait confronté au quotidien aux enjeux du développement économique, aux enjeux parfois anarchiques du développement urbain et à des problématiques environnementales dont on parle avec l'Amazonie, mais ce n'est pas le seul sujet dont on parle en en en permanence.  

Si tu me demandes une anecdote : l'expérience la plus marquante, je pense a été un déplacement que j'ai eu la chance de faire avec des amis brésiliens qui m'ont emmené visiter le Pantanal. Alors, le Pantanal n'est pas la région la plus connue du Brésil, ce qui lui permet de rester très préservé. C'est néanmoins la plus grande zone humide au monde. C'est une région qui s'étend sur plus de 150 000 km², absolument extraordinaire, qui est composée des grandes plaines qui sont inondées une partie de l'année et qui s’assèchent pendant une autre partie de l'année. C'est une région extraordinairement préservée donc, dans le Mato Grosso à la frontière avec la Bolivie, et qui est une nature brute avec une biodiversité absolument extraordinaire et qui est un choc quand on arrive. Dans la petite Posada dans laquelle nous étions logés, qui est un tout petit hôtel qui servait essentiellement à des scientifiques pour mener des expérimentations environnementales, on est à plus de 100 km de la première ville et sur une zone qui n'est pas accessible 6 mois de l'année. La transition entre ce lieu qui est absolument merveilleux et puis la visite qu'on a réalisée quelques jours plus tard, cette fois-ci en Bolivie, dans une zone de forêt extraordinaire dans laquelle étaient en cours de déforestation des exploitations absolument immenses à la demande du gouvernement bolivien à l'époque... ce passage sans transition de cette nature intacte aux enjeux de la déforestation. J'ai eu la chance, hein, de pouvoir échanger avec les gens et de voir sur le terrain cette déforestation avec des feux de forêt, et puis les chaînes qui passent pour couper les arbres. C'est saisissant quand on est au milieu d'un océan de forêt, qu'on ait une sensibilité environnementale à l'origine ou pas, je pense qu'on on ne ressort pas de l'expérience sans en avoir retenu quelque chose. 

(M) : J'imagine que ça a dû être assez déconcertant pour toi le passage “brutal” entre guillemets entre ces 2 environnements et de voir cette destruction parce que t'as dû te projeter aussi en te disant “Ah et si ça arrivait ici” ? 

(A) : Oui, tout à fait. Je crois que pour moi, dans mon parcours en tout cas, le Brésil était extrêmement important puisque c'est ce contraste entre des villes : São Paolo (18 000 000 d'habitants, développement urbain anarchique) et puis à côté une nature exceptionnelle et puis des enjeux dont on vient de parler, qui sont, alors en l'occurrence, c'était pas à proprement parler au Brésil, mais de protection. Et puis toute la, la problématique sociale et économique derrière, puisque ça s'inscrit systématiquement dans un contexte dans lequel il y a bien évidemment des enjeux économiques et sociaux attaché aux questions environnementales. 

(M) : J'imagine que ça a été un premier coup de tambour dans le dans le début de cette prise de conscience. Il y en a eu d'autres après ? Peut-être en France j'imagine, peut-être par rapport aux conditions climatiques vu qu'on a eu pas mal de sécheresses ces dernières années. Est-ce qu'il y a eu d'autres éléments qui t’ont marqué ? 

(A) : Tout à fait. Mon parcours a été d'abord marqué par une prise de conscience de ces enjeux à l'international : je parlais du Brésil, j'ai été amené à aller très fréquemment en Afrique également et là aussi, j'ai été par hasard confronté dans la région du Zambèze, au problème du réchauffement climatique et aux enjeux colossaux que ça pouvait avoir pour l'agriculture locale et les agriculteurs dans la région. 

(M) : On était en quelle année ? Juste pour pouvoir se situer ? 

(A) : Alors c'est à partir des années 2000, si tu veux toute la décennie qui va des années 2000 jusqu'au début des années 2010. Et puis des problématiques en Indonésie liées aux planteurs de manioc, des problématiques également liées à la culture du maïs en Indonésie, la Chine, avec des projets sur lesquels j'ai pu travailler où on voit en quelques années des chantiers de bananiers remplacés par des usines dont j'ai participé à la construction. Tout ça a, je pense eu une influence assez importante.  

En Europe, la première c'est pas tant le réchauffement climatique qui a été le sujet déclencheur, c'est un une problématique plus professionnelle. J'ai été amené à travailler beaucoup sur la problématique des protéines végétales et donc toute la question liée à l'alimentation et la protéine animale, et le développement des alternatives végétales. J'ai été confronté finalement tout simplement à la problématique agricole, des agriculteurs, qui est celle du besoin en azote des plantes pour permettre aux plantes, aux cultures de produire, de la protéine. Avec donc un paradoxe extrêmement important, c'est que les consommateurs souhaitent manger plus de protéines. D'un autre côté, pour des raisons environnementales, à l'époque, les agriculteurs étaient confrontés à une impasse qui était la réduction de l'utilisation d'azote pour des raisons environnementales. Et donc, comment dépasser cette problématique ? C'est plutôt sous ces angles-là, d'évolution alimentaire et sociétale que par ces biais-là que j'y ai été confronté en Europe. 

(M) : C'est hyper intéressant, je pense que maintenant on a une vision un petit peu plus claire de cette prise de conscience qui s'est faite au fil de l'eau et de tes différentes expériences de voyages et de ta carrière.  

Maintenant je te propose qu'on rentre vraiment dans le cœur du sujet, donc la transition du système agroalimentaire. Tu nous en a un petit peu parlé là dans ta première présentation. Aujourd'hui j'ai quelques chiffres à partager pour aussi replanter le décor pour nos auditeurs sur le système en France. On parle de d'une production agricole qui s'élève à 77 milliards d'euros en 2019. Un autre chiffre intéressant, c'est qu’en France, 52% du territoire est composé de surfaces agricoles. La France est la première agriculture européenne en termes de production, c'est des chiffres issus du ministère de l'Agriculture. Je trouvais ça intéressant de poser ces chiffres au début, ça peut nous paraître impressionnant et il y a tout un tas de chiffres aussi assez forts et intéressants sur le site du ministère. Quand je lis ça, je me demande comment on en est arrivé là aujourd'hui ?  

Est-ce que tu pourrais pour commencer, nous faire un panorama des grandes évolutions qui ont marqué l'agriculture, un petit récap historique en accéléré ? 

(A) : Ouais bien sûr. La France a de très longue date, toujours été une puissance agricole, aussi loin que l'histoire de la France nous permet de se projeter. Ça a toujours été une activité qui a fait la force du pays. Elle a évolué bien évidemment, au fur et à mesure du temps, d'abord avec la révolution industrielle et la modernisation de l'agriculture a été un des facteurs déterminants qui a permis la révolution industrielle. Ensuite, je crois que pour ce qui nous intéresse aujourd'hui, le point le plus important, c'est la transformation qui est survenue après la 2nde Guerre mondiale en Europe et en France, un petit peu plus tôt aux États-Unis, avec finalement le développement de l'agriculture tel que on le connaît aujourd'hui, parfois qualifié d'industriel qui a profondément modifié les paysages, mais qui a aussi été, il ne faut pas l'oublier, une modification profonde de notre alimentation et de la façon dont les consommateurs occidentaux ont souhaité consommer depuis les années 60.  

Et donc si tu veux, le premier point pour moi qui est extrêmement important à ne jamais oublier, c'est que ces évolutions agricoles s'insèrent dans un contexte plus large qui finalement ne doit pas être réduit à l'agriculteur. L'agriculteur s'inscrit dans un écosystème composé en amont d'un certain nombre d'acteurs qui leur fournissent des semences, des solutions génétiques, des outils pour pouvoir travailler. Et puis peut-être de façon encore plus importante, ils s'inscrivent dans un dans une filière qui en aval vient préparer les produits qui sont les produits que les consommateurs achètent. Donc une agriculture s'insère toujours forcément dans un écosystème et c'est un des enjeux puisqu’il ne suffit pas de modifier quelques pratiques agricoles. C'est bien tout un système alimentaire qui va de l'amont, avant même la ferme, jusqu'au consommateur, qu'il faut apprécier.  

Tu citais quelques chiffres, je pense que c'est effectivement très important de citer quelques chiffres pour bien cerner ce que sont les grands enjeux. Il y a beaucoup de désinformations qui s'appuient sur la complexité d'un certain nombre de ces sujets, donc je pense que c'est très important de toujours garder en tête ce que sont les fondamentaux et les points qui sont indiscutables, et sur lesquels sur lesquels on peut agir. Donc si on regarde sur la thématique environnementale et si on parle uniquement là du sujet du réchauffement climatique, à l'échelle de notre alimentation, l'agriculture représente entre 60 et 75% des émissions de gaz à effet de serre. Les 25 à 40% restants sont le fait de la partie avale, c'est-à-dire l'acheminement des produits jusqu'au sites de production, leur transformation, les emballages et les circuits de distribution qui sont en aval. Et donc, fondamentalement, si on regarde la question environnementale, le point de départ, c'est sur quelle agriculture on s'appuie et sur quel modèle agricole on s'appuie.  

Ça soulève 2 grandes questions, en tout cas d'un point de vue du réchauffement climatique. La première est la question de l'élevage, c'est-à-dire la question du méthane. Aujourd'hui dans les émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture française, si on prend l'exemple français, le méthane représente 45%, donc c'est très important des émissions de gaz à effet de serre agricoles françaises. La 2e sujet important, c'est le protoxyde d'azote, qui est un sujet très peu connu, qui est néanmoins un des sujets absolument décisifs, qui représente un peu plus de 40%, donc quasiment la même chose que le méthane et qui est lié à un sujet qui est la fertilisation azotée, c'est-à-dire l'apport d'azote, dont les plantes ont besoin pour pousser. On voit bien que ces 2 gaz et ces 2 activités agricoles représentent ensemble plus de 85% de la question environnementale, en tout cas au niveau de l'agriculture. Pour le reste, on est vraiment sur des thématiques, on va dire plus classiques, liées au CO2 : transport, circuit court, mécanisation. 

Mais au niveau de l'agriculteur, l'incidence va être beaucoup plus faible en fait, et on est plus sur des questions liées aux transformateurs et aux distributeurs. Quels sont les modèles technologiques et les modèles de consommation (circuit court, gaspillage, emballage) qui vont permettre de d'agir sur ces facteurs. 

(M) : Oui donc, sur ces 15 derniers pourcents, à peu près restants. Est-ce que tu peux nous parler un peu plus précisément du protoxyde d'azote ? Concrètement, qu'est-ce qui se passe, tu l'as déjà un tout petit peu évoqué, est-ce que tu peux nous expliquer de façon assez peut-être schématique ? Concrètement, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi aujourd'hui on a tant de pollution liée au protoxyde d'azote ? 

(A) : Alors, c'est là où effectivement on fait référence à une évolution historique qui a eu lieu après la 2nde Guerre mondiale en termes de pratiques agricoles. Les plantes ont besoin de trouver dans le sol de l'azote pour grandir. L'azote est une des briques indispensables à la formation par les plantes des acides aminés qui sont les briques du vivant et qui combinées ensemble, forment les protéines qui est le l'apanage de tout être vivant, végétal ou animal. Cet azote doit être trouvé sous forme minérale dans le sol et il n'y a pas de constitution de ces acides aminés sans ces briques d'azote qui sont présentes. Les plantes ayant besoin de cet azote, il faut bien que les pratiques agricoles permettent, de recomposer l'azote nécessaire à la plante dans le sol au fur et à mesure pour éviter un appauvrissement. Alors, comment a-t-on procédé pendant des millénaires ? On a procédé en mettant en place des systèmes de diversification de cultures et en associant systématiquement aux productions végétales une production de légumineuse. Pourquoi ? Parce que les légumineuses sont les seules plantes au monde qui sont naturellement capables de fixer l'azote de l'air, puisque l'air est très riche en azote, dans les sols. Et donc la seule source végétale d'azote minéral pour les sols, se fait par les légumineuses qui viennent fixer dans le sol de l'azote atmosphérique. Donc c'est une culture qui est absolument vitale et centrale depuis des millénaires en agriculture et si on remonte sur tous les systèmes de production traditionnels, que ce soit en Amérique centrale, en méso-Amérique ou ailleurs, ça a toujours été des combinaisons soit en culture associée, soit en rotation de de légumineuses, alors si on prend l'Amérique centrale, c'était des haricots, en association avec des céréales. Si on reste sur cet exemple d'Amérique centrale, c'était un système qui s'appelait les 3 sœurs qui permettait de cultiver ensemble des haricots, des courges et du maïs, chacun ayant un rôle symbiotique à jouer entre ces 3 cultures et la fonction des haricots était de fixer l'azote dans le sol.  

Alors le procédé industriel de production d'azote de synthèse a été inventé par les Allemands pendant la guerre, à l'origine pour produire des armes chimiques et il s'est développé à grande échelle, en tout cas, son utilisation s'est développée à grande échelle après la 2nde Guerre mondiale en agriculture. C'est tout un système qui a permis, mais c'est à la fois la cause et la conséquence, bien sûr, qui a permis le développement d'une alternative de synthèse pour pouvoir remettre de l'azote dans les sols sans recourir à ces rotations ou à cette diversité de culture et donc à tendre vers un système dans lequel on est allé vers davantage de monoculture qui a permis dans le cadre du développement, la constitution de systèmes de production à plus grande échelle puisque monoculture signifie plus de production et des usines plus grandes, avec économie d’échelle, donc baisse des coûts et derrière des produits pour les consommateurs de masse extrêmement bon marché. C'est la logique qui a prévalu pendant plusieurs décennies et qui s'est progressivement mise en place. La limite du système est que quand on fait des apports d'azote dans le sol, on a 2 grands problèmes de pollution et on engendre un certain nombre de déséquilibres dans la vie des sols. Le premier problème, c'est qu'une partie de l'azote se volatilise dans l'air et dégage du protoxyde d'azote, qui est un gaz à très fort pouvoir de réchauffement et qui contribue par ailleurs à la pollution atmosphérique puisque c'est un des composants qui contribue à la formation de particules fines et donc à la pollution dans les dans les zones urbaines. 

(M) : Est-ce qu'on n'est pas sur 80 fois plus réchauffant que le CO2 ?  

(A) : C’est 250 et avec une durée de vie dans l'atmosphère extrêmement longue qui peut dépasser 100 ans, donc une dégradation très lente.  

Le 2e problème de qui est plus connu du grand public, de l'azote, c'est qu'une partie de cet azote qui est déposé sous forme d'engrais, ruisselle quand il pleut et finalement peut se retrouver dans les nappes phréatiques. À ce moment-là, le phénomène plus connu est qu’on peut engendrer ou contribuer à des pollutions aux nitrates et donc une dégradation de la qualité d'eau et puis, s'agissant bien évidemment d'un engrais, on stimule la croissance d'algues : c'est susceptible de contribuer à des problématiques de prolifération d'organismes qui, dans des conditions naturelles, ne proliféreraient pas de la même manière. Ce sujet est important au niveau environnemental, mais il faut comprendre qu'il a également une incidence très importante qui est moins visible mais néanmoins extrêmement forte, c'est qu’il va modifier l'équilibre de la vie des sols, puisqu’en en apportant des quantités importantes d'azote à des moments précis, on va favoriser le développement d'un certain nombre de bactéries du sol qui vont occuper la niche écologique au détriment d'autres micro-organismes dans le sol, et notamment d'un grand nombre de champignons. En modifiant cette équilibre des sols, on vient perturber finalement tous les processus de dégradation de la matière organique dans le sol. 

(M) : Quand je t'entends, j'ai l'impression qu'il y a vraiment eu 2 phases. La phase pré-2nde Guerre mondiale, où en fait avec la rotation des différentes légumineuses et céréales on arrivait à maintenir cet équilibre naturel du cycle de l'azote. Après la 2nde Guerre mondiale, on a l'ajout d'intrants pour pouvoir booster quelque part la production et répondre à une demande qui est croissante.  

Ma question, c'est, est-ce qu'aujourd'hui tu penses qu'un un retour en arrière est possible ? Je sais pas si c'est le bon terme, mais est-ce qu'on peut faire marche arrière vu qu'on a l'air de s'être lancé dans un engrenage assez fort, avec déjà des conséquences fortes sur l'appauvrissement des sols, une pollution qui est déjà présente dans l'air, une pollution nitrate, tu l'évoquais aussi avec les algues ? 

(A) : Je ne crois pas personnellement beaucoup au retour en arrière. Néanmoins, c'est très proche. Je pense qu'il faut effectivement revenir à cette notion de cycle naturel et de respect des cycles naturels de fertilisation et d'autres, qu'il est absolument indispensable de veiller à un certain nombre de choses, notamment à la biodiversité des sols. Ça passe effectivement par le retour à un certain nombre d'éléments qui sont des éléments fondamentaux mais qui sont finalement, je le qualifierais pas de retour en arrière, qui sont des éléments fondamentaux des cycles naturels de notre planète, du vivant, de la nature, de la biologie et je crois en tout cas, je préfère le présenter comme ça, plutôt revenir à un respect d'un certain nombre de cycles naturels. Certes, on est capable de s'en affranchir par des moyens technologiques, mais je crois que ces dernières années, il est incontestable que l'on a la preuve que le non-respect de ces cycles naturels a des conséquences extrêmement dommageables pour la planète et pour l'homme. Donc c'est bâtir quelque chose de nouveau, pas forcément revenir à ce qui était à l'identique, la façon de de travailler et de consommer il y a 50 ou 70 ans, mais par contre, dans le respect de ces cycles qui permettent finalement à l'environnement de se régénérer. 

(M) : Oui effectivement, quand je disais retour en arrière, je pensais plutôt à l'état de la terre et de sa qualité telle qu'elle était à l'époque. Je me disais est-ce qu'on peut retrouver quelque part une qualité similaire si on change les pratiques ? 

(A) : Alors, la bonne nouvelle, c'est que oui, on peut et on voit, et ça c'est très encourageant, que finalement, ça réagit assez vite. Le vivant réagit assez vite et on est capable de retrouver en l'espace de relativement peu de temps un équilibre de la vie des sols intéressant, ce qui ne doit absolument pas être une excuse pour ne pas le faire et ne pas enclencher la démarche. Mais on voit qu’on est dans une logique où en tout cas on peut se remettre assez rapidement dans une démarche qui va dans le bon sens. Pour moi c'est l'exemple qu'on a eu également sur la problématique du trou de la couche d'ozone où on a bien vu que l'action de l'homme pouvait avoir effectivement un effet réel et positif, même si le problème n'est pas encore complètement résolu. Je crois que c'est la même chose, à condition de s'y mettre résolument et d'adopter des comportements qui vont dans le bon sens. Effectivement pour moi, un des enjeux centraux, si ce n'est pas, peut-être le plus important à ce stade aujourd'hui, c'est de traiter cette problématique de la fertilisation azotée. 

(M) : Et c'est une très bonne transition, puisque c'est j'imagine ce qui t'a beaucoup “drivé” dans la cocréation d'Intact l'année dernière. Est-ce que tu peux nous en dire plus ? Concrètement, qu'est-ce que c'est Intact et où vous en êtes aujourd'hui ? 

(A) : Donc l'idée d'un tact, effectivement, c'est de venir proposer une offre nouvelle, alimentaire qui réponde à ces nouveaux enjeux. Les enjeux ne sont peut-être pas nouveaux, mais en tout cas à la compréhension qu'on en a aujourd'hui, et donc effectivement de répondre aux nouvelles attentes alimentaires qui sont plus végétales et qui sont tournées vers une alimentation plus riche en en en fibres et en protéines. Plus saine, moins transformée. Et en même temps, de pouvoir le faire sur la base d'un modèle de production qui soit agricole mais également en termes de préparation des produits, respectueux de l'environnement, des cycles naturels et économes en énergie et en eau. 

(M) : Tout ça d'un coup ? 
 
(A)
: Oui, c'est à dire que ce qui est important, c'est d'avoir un système cohérent. Et donc Intact, c'est quoi ? C'est effectivement la réintroduction des légumineuses comme clé de voûte d'un modèle agronomique respectueux des sols et donc de la biodiversité et de la réduction de gaz à effet de serre. C'est un modèle qui permet, à travers la biodiversité des sols. De travailler également la question de la fertilité des sols puisque quand on a un meilleur équilibre de la vie des sols, on a une meilleure dégradation par les micro-organismes de la matière organique et donc on vient favoriser la formation de carbone stable dans le sol. Donc on séquestre plus de carbone dans le sol. Donc c'est pas en simplement en aimer moins. C'est également on séquestre, on absorbe donc on, on a un rôle positif à jouer sur le climat, on a une meilleure structure de sol donc on a une meilleure résilience climatique des sols, ce qui permet en par rapport au problème du réchauffement climatique d'avoir une meilleure résilience des rendements, les plantes souffrent moins de la sécheresse et on vient enrichir les sols. Pour l'agriculteur c'est une meilleure fertilité qui permet donc la mise en place d'un écosystème extrêmement favorable, que ce soit pour les agriculteurs, pour la société et les consommateurs, mais également qui permet d'avoir un modèle local dans lequel on nourrit les gens puisque c'est indispensable mais sur des circuits courts et dans sur un modèle vertueux. 

(M) : Quand je t'entends, je me pose la question, à quel point c'est facile ou pas pour un agriculteur aujourd'hui d'introduire des légumineuses dans ses rotations ? Et pourquoi ? 

(A) : C'est difficile pour des facteurs extérieurs. Au cours des 30 ou 40 dernières années, les systèmes de production se sont spécialisés autour de quelques grandes cultures : autour du blé en Europe, du maïs, du soja en Amérique. Pour ces grandes cultures, l'agriculteur a accès facilement à des solutions extrêmement bon marché en termes de semence, en termes de solution et d'offre pour le stockage de ses productions pour la collecte, en termes de commercialisation aussi, en termes de conseil agronomique aussi.  

Donc on a des grandes sociétés en amont, qui ont une offre extrêmement développée, extrêmement compétitive et également en aval, pour la commercialisation des produits et donc on est vraiment pour l'agriculteur sur quelque chose qui est très optimisé, qui s'est développé au cours des dernières décennies. Dès lors qu’on va chercher à développer des filières qui sont moins sur l'autoroute mais qui sont plus des chemins de traverse, il est difficile pour l'agriculteur de trouver les différents éléments en termes d'écosystème qui lui permettent de bénéficier d'un même d'un même environnement.  

Donc effectivement dans le cadre d'Intact, on est amené à travailler beaucoup sur la mise en place des éléments fondamentaux qui permettent effectivement à l'agriculteur d'adopter ou de réadopter de façon moderne ces pratiques, mais dans des conditions dans lesquelles on vient lever les freins économiques ou le manque d'infrastructures qui pénalise son développement. Un exemple tout simple : dans le cas d'Intact, on a été amené à travailler beaucoup sur la production, la multiplication des semences dédiées à nos activités, puisque c'est un vrai sujet aujourd'hui pour les agriculteurs de trouver des semences de qualité à un prix économique pour nos sujets, c'est un frein. Autre frein, par exemple pour les légumineuses, aujourd'hui, elles sont majoritairement utilisées en alimentation animale, avec une concurrence extrêmement rude, du soja importé qui fait que si on ne vient pas créer des conditions en termes de visibilité commerciale pour les agriculteurs, c'est extrêmement difficile de se mettre dans une démarche de modification profonde de ces assolements dans une logique pluriannuelle, puisqu'on s'inscrit bien dans une logique qui nécessite des évolutions importantes au niveau de la ferme, sans avoir nécessairement la visibilité sur la commercialisation de ces produits. Donc c'est surtout ces éléments qu'on travaille beaucoup comme pour venir faciliter la mise en place de nos solutions. 

(M) : Et donc si je ne me trompe pas cette partie-là c'est une partie d'Intact qui va être le plus en amont de la chaîne ? Et ensuite, t'as une partie aussi de transformation de ces protéines ? 

(A) : Voilà c'est une partie qui est effectivement en amont, qui pour nous est très importante, puisque, s'agissant de productions végétales, on l'a dit tout à l'heure, 70 à 80% des émissions de gaz à effet de serre en matière de production végétale, c'est la fertilisation azotée. Toute notre solution repose fondamentalement sur une approche différente de ce cycle de fertilisation azotée et, pour reprendre l'expression que tu mentionnais tout à l'heure, un retour à un cycle de fertilisation naturel. Donc pour nous, c'est quand même une pierre fondamentale dans les fondations de l’entreprise. Une fois que, une fois que ça c'est fait, effectivement, il s'agit de travailler la question et la problématique des changements d'habitudes alimentaires, et là, effectivement Intact a développé une technologie qui est extrêmement performante et extrêmement durable pour venir valoriser ces légumineuses et en faire des ingrédients particulièrement recherchés aujourd'hui en alimentation et en fermentation. 

(M) : Donc l'idée demain c'est que des industriels de l'industrie agroalimentaire puissent proposer des produits disponibles au grand public avec des protéines issues d'Intact ? 

(A) : Exactement l'idée pour nous, de la même façon qu'on cherche à créer l'écosystème qui facilite l'adoption d'un modèle agricole régénératif aux agriculteurs, on cherche à faciliter pour les producteurs et l'industrie alimentaire l'utilisation d'ingrédients issus de l'agriculture régénérative et issus d'un process de transformation vertueux. On vient finalement offrir à cette industrie alimentaire une alternative qui n'est pas simplement une alternative issue de l'agriculture durable, mais qui sont également des ingrédients qui sont produits sans produit chimique, sans additif, sans solvant, donc parfaitement naturel au sens de la réglementation, qui ne sont pas transformés. On apporte une alternative réellement durable et saine au consommateur.  

On a un 2e souci, c'est d'avoir une démarche circulaire puisque dans la plante, dans les légumineuses, il y a à la fois de la protéine, mais il y a aussi de l'amidon. Cet amidon, on le valorise de façon circulaire pour en faire des produits vertueux, bas carbone, positifs, notamment pour les pour les cosmétiques et la pharmacie. 

(M) : D'accord, effectivement, c'est très complet aussi sur cette 2e partie de la chaîne de valeur. 

(A) : On est vraiment dans une filière, et on est vraiment dans un écosystème, donc on vient proposer tout simplement des alternatives à des ingrédients couramment utilisés aujourd'hui, qui sont très utilisés puisque nos produits ne se différencient pas tant par leurs caractéristiques que par la façon dont ils ont été obtenus : modèle agricole, procédé de transformation et circuits courts. Donc on est vraiment sur une autre façon de produire et de préparer les ingrédients et donc on propose une alternative à des produits, des ingrédients d'utilisation courante, mais sur un modèle de production radicalement différent. 

(M) : Je t'ai posé la question sur les agriculteurs, à quel point c'est facile ou pas pour eux de changer leurs pratiques. Pareil pour les industriels, à quel point c'est facile ou pas pour eux d'intégrer des nouveaux ingrédients dans leurs recettes ? 

(A) : Alors, c'est un point sur lequel on a beaucoup travaillé finalement, pour que nos produits soient parfaitement substituables aux produits existants et donc notre idée c'est que plus on sera capable de venir proposer des alternatives facilement substituables, plus on vient faciliter finalement l'adoption de produits issus de filières durables au consommateur. C'est sûr que plus on a nécessité à modifier les habitudes de consommation, les caractéristiques de produits, plus on va ralentir le rythme de diffusion des nouveaux modes de production. 

(M) : Est-ce que t'as un exemple concret d'un ingrédient qui serait substitué par un autre pour qu'on puisse se rendre compte ? 

(A) : Oui, bien sûr. Par exemple, on va produire un type d'alcool particulier, qui est un alcool neutre, qui est très utilisé couramment en cosmétique, dans la pharmacie pour les produits désinfectants. En alimentaire, le produit que nous allons faire est strictement identique au produit qui est une base neutre qui est au produit conventionnel issu de filières conventionnelles. Donc la possibilité de substitution est immédiate. Simplement c'est sûr que ça a été produit de façon très différente des modes conventionnels. 

(M) : Je pense que là on a vraiment bien compris le développement de cette nouvelle filière, que je qualifierai d'audacieux et d'ambitieux. Concrètement aujourd'hui dans tout ça t'en es où ?  

(A) : C'est bien évidemment ambitieux parce que je pense que pour réussir notre transition environnementale, on a besoin effectivement de mettre en place un certain nombre de briques dans l'écosystème et donc il y a effectivement un certain nombre de choses à mettre en place au début. Mais le projet est très avancé, il avance très bien puisqu'au niveau agricole on est soutenu par une coopérative française qui s'appelle Axereal. C’est une coopérative importante qui se situe en région centre-val de Loire, qui regroupe 14000 adhérents et qui s'investit très fortement dans notre projet avec le souhait et l'ambition de proposer à leurs agriculteurs des voies alternatives d'agriculture régénérative et en en faisant un axe de développement important pour l'avenir.  

On a été également amené à échanger récemment avec les agriculteurs qui se sont engagés dans cette démarche à nos côtés récemment. Ssi vous voulez, je suis d’un naturel optimiste, mais je suis extrêmement bluffé par la capacité d'adaptation, l'envie des agriculteurs qui sont très moteurs dans ces démarches et qui ont parfaitement conscience de la nécessité et qui ont le souhait d'évoluer sur leurs pratiques à condition qu'on leur fournisse les moyens. C'est souvent plus, d'expérience, des problèmes de capacité à faire parce qu'il y a des verrous ou technologiques ou des problèmes très concrets, très pratiques, qui se posent parce que la volonté, la volonté est là. On voit qu'on a effectivement, chez les agriculteurs de la région concernée des retours extrêmement positifs sur ce qu'on est en train de faire et on a également des retours très intéressés de la part de grands groupes industriels par nos produits, parce que je pense qu'aujourd'hui, il est indéniable que ces problématiques du modèle de l'évolution de nos modèles de production sont quand même dans l'esprit de la majorité des entreprises, grandes ou petites. 

(M) : Je comprends. De façon très pragmatique, est-ce que là aujourd'hui il y a des légumineuses qui sont plantées en culture qui sont en train de grandir, qui vont être transformés bientôt ou ce que c'est le projet de l’année ? 

(A) : Non, alors on a démarré en septembre dernier avec Axereal la première phase qui est la phase de multiplication des semences qui permet ensuite de produire et d'avoir les semences qui conviennent pour les agriculteurs. Donc ça, ça a été fait, c'est en train de pousser depuis le mois de septembre. Et puis on va effectivement rentrer dans la phase suivante qui est la phase de production pour les premières productions de nos ingrédients, sachant qu'ensuite on a un investissement industriel qui va être réalisé à Baule. C'est une c'est une commune qui se trouve au sud d'Orléans et là on va réaliser un investissement qui va démarrer fin 2023 qui est un investissement conséquent. C'est un investissement de plus de 50 000 000 d'euros qui va être un site un peu modèle d'un point de vue technologique et exclusivement dédié à cette à ces nouvelles filières d'ingrédients régénératifs et qui rentrera en fonctionnement fin 2024. Donc c'est vraiment l'amont agricole qui constitue le début des travaux, c'est ça qui dicte le calendrier. 

(M) : Oui, vous êtes calés sur ce rythme. 

(A) : Oui, tout à fait. 

(M) : Maintenant si, on prend un petit peu de recul et qu'on se projette dans la vision cible du modèle et avec une usine qui fonctionnera d'ici fin 2024, ce serait quoi ta vision à 10 ans pour Intact ? 

(A) : Alors c’est une très bonne question. Malheureusement, pas de boule de cristal, mais je pense que l'évolution naturelle pour Intacte c'est bien évidemment d'aller plus loin dans cette logique. C'est-à-dire à partir du moment où on a posé les fondations sur des systèmes agricoles et agronomiques performants, c'est de continuer à pousser et on travaille déjà dessus en fait, ce sont des étapes suivantes, pour aller plus loin sur les problématiques de séquestration de carbone dans le sol, de compréhension des enjeux liés à la biodiversité des sols. Je pense qu'on a encore énormément à apprendre sur ces thématiques-là et je suis moi-même absolument convaincu que dans le temps, les services positifs et environnementaux que peuvent prendre les agriculteurs qui s'engagent dans des démarches telles que celles qu'on est en train de mettre en place devront être reconnus par la société. Je crois que c'est notre responsabilité, notre devoir de travailler à comprendre en termes de recherche et développement, comment apporter des solutions agricoles toujours plus performantes dans ce respect des cycles naturels, dans le respect du vivant et de la nature, et qui permettent d'aller plus loin en développant finalement notre offre de produits et de services pour les consommateurs. 

(M) : Vu que t'as une très bonne connaissance du système agroalimentaire quand on se projette à 2050, on est 9 milliards sur la planète. Qu’est-ce qui est désirable pour ce système, en visant 2050, 9 milliards de personnes ? 

(A) : Je pense qu'il est désirable, déjà qu'on se préoccupe de réinvestir nos filières locales. La base de l'alimentation se doit d'être locale. C'est par son agriculture de proximité, par l'adaptation de cette agriculture aux conditions climatiques, pédoclimatiques de la région et l'alignement de ça avec les structures et les habitudes de consommation locale que on peut-on peut construire quelque chose. Dans le respect des saisons et dans le respect des cycles naturels, on ne pourra pas bien évidemment produire et on n'a pas vocation à produire du café en France de la même façon qu'on n'a pas forcément vocation à faire des tomates partout. Mais je pense que c'est en réinvestissant vraiment son agriculture locale, en ayant des filières courtes de production locale que l'on redonne du sens à la fois aux consommateurs, on peut protéger l'environnement et qu'on fait vivre cette activité absolument indispensable qui est l'agriculture, dans une logique vraiment durable. 

(M) : Si on on prend aussi un prisme pas seulement européen et qu'on regarde d'autres pays, comment tu vois la chose ? 

(A) : Je pense que la problématique se pose exactement dans les mêmes termes partout. Certaines régions vont avoir des enjeux différents bien évidemment, puisque on est systématiquement dans une réadaptation, dans une réadaptation locale. La grande difficulté, c'est que finalement, on va se retrouver avec des enjeux de développement qui sont différents en fonction des régions du globe. C'est sûr que la façon dont on perçoit aujourd'hui en Europe ou de plus en plus, aux États-Unis également, nos enjeux peut faire l'objet d'incompréhensions importantes dans d'autres régions du globe qui ont fondé leur modèle de développement, sur des modèles que que l'on peut juger nous aujourd'hui au dépassés. 

(M) : Merci beaucoup Alexis. Donc si je résume, ta vision pour une agriculture désirable en 2050, avec 9 milliards d'humains sur la planète, c'est vraiment de réinvestir dans des filières locales et d'avoir une attention particulière sur les modes de développement des autres pays qui n'ont pas les mêmes paradigmes que nous.  

Un grand merci pour cette conversation, est-ce que t'as quelque chose à ajouter ? On arrive à la fin ce que t'as un petit mot de conclusion, quelque chose que tu veux partager avec nos auditeurs. 

(A) : Je te remercie énormément pour l'invitation. Je pense que ce que l'initiative que vous avez développée avec ce Podcast est une très bonne initiative. Je pense que, en tout cas si je fais référence à mon expérience personnelle, c'est vraiment en entendant parler, en réfléchissant et en étant sensibilisé que je me suis forgé dans le temps, une conviction. C'est vrai que ce sont des problématiques sur lesquelles on n’a pas été forcément sensibilisé par son parcours personnel ou à l'école étant petit, et cetera et je pense que c'est en comprenant mieux les enjeux que l’on se forge aussi les convictions les plus solides. 

(M) : C'est une très belle conclusion, merci beaucoup Alexis. Au revoir. 

(A) : Au revoir.  

(M) : C'est déjà la fin de cet épisode. Merci d'avoir écouté jusqu'au bout, vous trouverez toutes les références dans la description du podcast et sur le site de StimShift à très vite dans un prochain épisode. 

 

Previous
Previous

3 façons de réinventer le packaging - tel que nous le connaissons

Next
Next

Maxence Cordiez - Transition énergétique : pourquoi est-ce si compliqué ?